La situation économique de la Belgique

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Nous étions 80.000 dans les rues de Bruxelles lundi 20 juin pour exiger de meilleurs salaires face à la flambée des prix. Cette demande est légitime. Mais évidemment, les patrons tentent de la discréditer. Depuis quelques semaines, le « discours catastrophe » de la droite et du patronat revient en force : le coût du travail est exorbitant en Belgique, un tsunami de faillite est à nos portes, la dette publique explose à cause de la sécurité sociale, etc. Qu’en est-il exactement ? Décodage.

 

Les récits catastrophe…

Récit catastrophe 1 : la croissance économique reste à la traîne en Belgique

Selon les perspectives de printemps de la Commission européenne, la croissance belge en 2022 sera d’environ 0,7% en-dessous de la croissance moyenne de la zone euro (2% en Belgique contre 2,7% dans la zone Euro). Une seule année n’est pas un indicateur fiable. Si nous regardons la croissance économique en Belgique (PIB – produit intérieur brut) depuis le début de la crise du coronavirus et que nous mettons en parallèle les perspectives de la Commission pour 2022 – 2023, nous constatons que notre pays fait mieux que l’Allemagne et la France.

Récit catastrophe 2 : L’inflation en Belgique est nettement plus élevée que dans les pays voisins

L’inflation plus élevée en Belgique en 2022 (7,8%) par rapport à la zone euro (6,1%) pousserait notre pays dans le précipice. Pour 2022-2023, la Commission prévoit en effet une inflation plus élevée qu’en France, mais plus ou moins la même qu’aux Pays-Bas et en Allemagne.

Sur le long terme, nous voyons que l’indexation automatique en Belgique ne conduit pas à une inflation plus élevée que dans les pays voisins, contrairement à ce que le monde des entreprises veut souvent nous faire croire. Le Think tank Minerva a répertorié l’inflation annuelle moyenne entre 1996 et 2000 pour la Belgique, le Royaume Uni, les Pays-Bas, l’Italie, la France et l’Allemagne. Et le constat est que l’inflation en Belgique suit le reste de l’Europe. L’indexation automatique ne mène donc pas à une spirale d’augmentation des prix et ne fait pas non plus apparaître une spirale inflationniste.

Aujourd’hui, l’une des principales causes de l’inflation est l’augmentation des prix de l’énergie. Ce n’est pas un hasard si l’inflation en France est nettement inférieure à celle des Pays-Bas, de l’Allemagne et de la Belgique sur la période 2020-2023. Avec un secteur de l’énergie largement nationalisé, associé à un contrôle des prix, la France garde la situation sous contrôle. La FGTB demande un secteur énergétique nationalisé.

Récit catastrophe 3 : les salaires augmentent trop et trop vite

Comme signalé plus haut, notre système d’indexation des salaires est souvent remis en question. On pointe ici du doigt l’augmentation plus élevée des salaires horaires en Belgique par rapport aux pays voisins et le reste de la zone Euro.

  • Plaider pour une diminution des salaires belges, revient à plaider pour un appauvrissement des travailleurs. L'augmentation des coûts du travail ne fait que suivre les hausses des prix. En d’autres termes, s’il faut mettre 25€ de plus pour remplir son caddie par rapport à l’an dernier, ce que nous voulons, c’est que notre revenu connaisse la même augmentation. C’est justement le rôle de l’index qui maintient le pouvoir d’achat.
  • Les syndicats des pays voisins exigent aussi une augmentation des salaires pour compenser les hausses des prix.
  • La Belgique n'est pas un coût salarial exorbitant par rapport aux pays voisins. Les organisations patronales « oublient » systématiquement que la productivité en Belgique reste bien plus élevée que dans les pays voisins, que nos salaires sont depuis longtemps à la traîne par rapport aux hausses de la productivité, et qu’ils reçoivent d’importants subsides salariaux qui sont sensiblement plus élevés qu’ailleurs.

Récit catastrophe 4 : le budget et la dette publique dérapent, des économies s’imposent au niveau de la sécurité sociale

La dette publique est beaucoup plus élevée qu'avant le corona. Logique. Les gouvernements sont largement intervenus, à juste titre, pour limiter les dégâts économiques et sociaux de la crise sanitaire. Mais d'un autre côté, si l'on se réfère aux prévisions de la Commission, la dette publique diminuerait à nouveau quelque peu, passant de 112,8% en 2020 à 107,6% en 2023.

Qui dit dette, dit aussi charges d’intérêts sur la dette. Et selon la Banque nationale de Belgique, ces charges d’intérêt – qui restent historiquement basses – diminuent jusqu’à 1,7% du PIB en 2022.

Les patrons affirment par ailleurs que l’indexation automatique a un impact négatif sur le budget. Les calculs complexes de la Commission européenne – auxquels ils font référence – pourraient se révéler bien différents si l’on utilisait d’autres paramètres et d’autres modèles. D’autres calculs démontrent que l’index n’a pas d’impact négatif sur le budget, bien au contraire. Moins de pouvoir d’achat = moins de dépenses. Moins de dépenses = impact négatif sur l’économie et le budget de l’Etat.

Lorsqu’il est question de la hausse des dépenses, ils pointent la hausse des salaires du personnel soignant et l'augmentation de la pension minimum. Sans oublier les mises en garde fréquentes sur l'augmentation des « coûts du vieillissement de la population » (le financement du système de pension) en général. Le message sous-jacent est clair : des économies s'imposent, principalement dans la sécurité sociale.

Une alternative aux économies dans la sécurité sociale est, bien sûr, d'aller chercher l'argent là où il se trouve : du côté du capital et des grosses fortunes. Des études montrent que les 1% les plus riches de Belgique possèdent environ 24% des richesses nettes totales, soit autant que les 75% les plus pauvres !

En 2015, une estimation de la Cour des comptes indiquait déjà qu'un impôt annuel sur la fortune,  avec des taux relativement bas, rapporterait entre 727 millions et 2,3 milliards d'euros. Tax Justice Network indique qu'un impôt mondial minimum de 25 % sur les multinationales pourrait générer, chaque année, entre 6,5 à 10,8 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour le gouvernement belge.

Scénario catastrophe 5 : nous faisons face à une vague de faillites

Enfin, le récit catastrophe sur l'augmentation des faillites d'entreprises - colporté par les organisations patronales - doit pour le moment être fortement nuancé: le nombre de faillites (ainsi que le nombre de travailleurs qui perdent leur emploi à la suite d'une faillite) est bien inférieur à celui que l'on connaissait avant le corona.

… et l’idéologie qui les sous-tend

Les récits catastrophistes diffusés par les employeurs servent un objectif idéologique clair : une diminution des salaires et moins de sécurité sociale, de façon à maintenir les bénéfices des entreprises à un niveau élevé.

Ils sont, il est vrai, souvent soutenus par les institutions internationales et leurs rapports. Mais celles-ci continuent à diffuser une vision néolibérale au moyen de modèles, paramètres et hypothèses qui ne sont pas neutres.

Les travailleurs ne peuvent pas être les victimes de l'actuelle crise internationale de l'énergie et du pouvoir d'achat. Les augmentations de salaires et les investissements publics (pour la  sécurité sociale et les services publics) sont indispensables pour traverser cette crise sans appauvrir la population