Pas de carrière modèle ? Voici le Malus Jambon sur votre pension

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Un pension décente ? Pour le ministre des Pensions Jan Jambon (N-VA), elle est réservée à celles et ceux qui présentent une carrière exemplaire. En cas de coup dur, de période non travaillée, la sanction tombe : une pénalité financière s’appliquera sous la forme d’un malus : le « Malus Jambon ».

La réforme des pensions du gouvernement Arizona, pilotée par Jan Jambon, semble taillée sur mesure pour les privilégiés de la vie. Seules les personnes qui, tout au long d’une longue carrière, exercent un emploi exigeant sans rencontrer d’obstacle significatif, s’en sortent relativement bien.

Or, une immense majorité des travailleuses et travailleurs ne correspondent pas à cet idéal. Et ce sont eux qui en paieront le prix fort. Les personnes travaillant à temps partiel — souvent des femmes avec des droits à la pension modestes — risquent particulièrement de faire les frais de cette nouvelle pénalité. Toute personne qui prend sa retraite anticipée (avant l’âge légal) sera lourdement sanctionnée financièrement par le Malus Jambon.

Un exemple concret

Rita tombe des nues lorsqu’elle consulte le site mypension.be début 2027. Elle vient de fêter ses 60 ans et, après 41 années de travail à mi-temps comme aide-ménagère, elle espérait pouvoir bénéficier d’une retraite bien méritée. Sa date de départ la plus proche est repoussée de mai à juillet 2029 — un report qu’elle accepte. Mais c’est la nouvelle pension malus qui lui donne un véritable choc : sa pension légale est amputée de 8 % (soit 4 fois 2 %), puisqu’elle prendrait sa retraite en 2029, soit quatre ans avant l’âge légal de 66 ans.

Interloquée, Rita s’adresse au Service fédéral des pensions (SFP). C’est là qu’elle découvre que son cancer du sein, diagnostiqué à 50 ans, lui coûte aujourd’hui très cher. Elle ne répond pas à l’exigence d’« emploi effectif » et ne peut donc pas partir en retraite anticipée sans se voir appliquer le malus. Selon l’accord de gouvernement, les périodes de maladie ne sont pas prises en compte comme « emploi effectif ».

Rita n’a pas les moyens d’assumer une pension anticipée avec malus. D’après les dernières estimations du SFP, sa pension sans malus s’élèverait à peine à mille euros bruts par mois. Pour éviter la pénalité financière, elle devra travailler jusqu’à 65 ans — soit trois années de plus que ce qu’elle avait envisagé. Une véritable douche froide !

Des conditions strictes

8 % des travailleurs masculins et pas moins de 25 % des travailleuses seront victimes du Malus Jambon.

Existe-t-il des exceptions à cette sanction ? Oui, mais elles sont extrêmement rares. Pour échapper au malus en cas de pension anticipée, il faut pouvoir justifier en moyenne de 45 années de travail à mi-temps effectif. Or, selon l’accord de gouvernement, les périodes d’inactivité involontaire — comme la maladie ou le chômage temporaire — ne comptent pas comme « emploi effectif ». Ainsi, une personne ayant travaillé toute sa carrière à temps partiel mais ayant connu un arrêt maladie, comme Rita dans notre exemple, subira une perte financière importante liée au Malus Jambon.

Un produit de luxe

Le Malus Jambon est socialement injuste à bien des égards :

  • Il transforme la pension anticipée en un produit de luxe. Seules les personnes aisées ou bénéficiant d’une pension complémentaire confortable peuvent encore se le permettre. Les autres sont exclues.
  • Il pénalise surtout les femmes, qui travaillent plus fréquemment à temps partiel.
  • Il ne tient aucun compte des inégalités face à l’espérance de vie en bonne santé. Chez les hommes peu diplômés, elle n’est en moyenne que de 62 ans, chez les femmes de 61 ans. Ces travailleurs et travailleuses profiteront donc moins longtemps de leur pension — quand bien même ils ont commencé à travailler jeunes. Leur imposer de travailler jusqu’à 66 ou 67 ans est profondément injuste.
  • Les personnes qui ont connu la maladie sont doublement sanctionnées : par la vie, puis par le gouvernement. .
  • Le Malus Jambon ignore les longues carrières. Une personne ayant commencé à travailler à 18 ans et totalisant 45 ans de carrière (avec des périodes assimilées) à 63 ans se voit quand même pénalisée. C’est l’âge légal de 66 ans (67 à partir de 2030) qui fait foi, pas la durée de la carrière. À l’inverse, celles et ceux qui ont étudié longtemps et arrivent à l’âge de la retraite avec une carrière incomplète sont automatiquement exemptés du malus. (c’est vrai mais elles n’auront pas non plus 45/45 ème).

En résumé, le Malus Jambon défie toute logique.