Slogans et fake news sur les syndicats comme organisme de paiement

Les syndicats versent les allocations de chômage et le font selon des règles strictes. « Nous sommes convaincus de la qualité de notre service », déclare Thierry Bodson, président de la FGTB. « Les chiffres montrent que la FGTB est plus performante que la CAPAC. Le débat politique se nourrit d’opinions tranchées. Les citoyens méritent la vérité. » 

Le cadrage est simpliste : « La Belgique est le seul pays où les syndicats paient le chômage. Ils le font mal – 400 000 paiements en retard ! Les communes doivent avancer les fonds, donc les syndicats doivent sortir de la CAPAC. » Voilà les propos du député N-VA Axel Ronse. Les faits disent autre chose.

La Belgique n’est absolument pas « le seul pays au monde » à avoir un système dans lequel les syndicats jouent un rôle dans le paiement des allocations de chômage. C’est également le cas dans les pays scandinaves.

Une réalité institutionnelle

Le président de la FGTB, Thierry Bodson, est catégorique : « C’est l’ONEM qui décide du droit et du montant. Les organismes de paiement – syndicats et la Caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage (CAPAC) – constituent le dossier et effectuent le paiement. Ce n’est pas une anomalie, c’est la réalité institutionnelle de notre pays. »

« Que Monsieur Ronse fasse des déclarations sur les organismes de paiement sans connaître notre fonctionnement, ce n’est pas une première et ce ne sera sans doute pas la dernière fois.», ajoute Thierry Bodson.

Le mythe de la performance

Le chiffre de 391 435 dossiers en retard (sur 2 627 000) est trompeur. Dans l’ensemble de ces dossiers, il n’y a aucune responsabilité imputable aux organismes de paiement pour la moitié d’entre eux (il s’agit soit d’erreurs de l’ONEM, soit d’éléments manquants indépendants des organismes de paiement). Pour l’autre moitié, le dossier est peut-être incomplet, mais cela ne signifie pas que la responsabilité incombe unilatéralement à l’organisme de paiement.

Retards

Quiconque connaît la pratique sait pourquoi les dossiers prennent du retard : un formulaire C4 remis tardivement ou mal complété par l’employeur, une attestation de travail envoyée trop tard, un accès des  données bloquées au sein d’une instance publique, un formulaire mal rempli... Le Médiateur fédéral est clair : « des règles complexes et des processus non uniformes entraînent davantage de travail, de questions et de délais d’attente. Un·e nouveau·elle collaborateur·rice n’est pleinement opérationnel·le qu’après environ un an ; la digitalisation et des moyens de fonctionnement suffisants ne sont donc pas un luxe, mais un service de base ».

Avances du CPAS

Et les avances du CPAS que Ronse brandit si volontiers ? Elles existent, elles pèsent sur les services locaux et appellent des solutions structurelles. Mais là aussi, les chiffres sont le meilleur antidote contre les slogans. En 2024, à peine 1,37 % concernent des avances faites par les CPAS des dossiers chômage auprès de la FGTB. C’est gênant, et très douloureux pour les personnes concernées, mais ce n’est pas une « externalisation » du paiement vers les communes. C’est avant tout un symptôme d’un échange de données lent et d’une réglementation lourde.

Qualité

Les chiffres de qualité sont également révélateurs. En 2023, les syndicats ont vu moins de dossiers renvoyés pour erreurs ou incomplétudes (8,5 %) que la CAPAC (10 %). Lors des contrôles de l’ONEM, les syndicats obtiennent systématiquement de meilleurs résultats en matière de paiements indus ou erronés. Et en termes de productivité, l’écart est encore plus flagrant : en 2022, un·e travailleur·euse à temps plein dans un syndicat a traité en moyenne 11 062 paiements par an contre 1 932 à la CAPAC. Les syndicats disposent par ailleurs de 344 bureaux répartis sur l’ensemble du pays, contre 35 pour la CAPAC. « Quiconque regarde les choses objectivement verra que les syndicats travaillent de manière plus performante que la CAPAC », ajoute encore Thierry Bodson.

Encore un malentendu à corriger

La CAPAC n’est pas un « outil des syndicats », mais une institution publique de sécurité sociale, point. Le site officiel de la CAPAC et les instances gouvernementales le confirment clairement. Ronse prétend que « les syndicats » dirigent la CAPAC et doivent donc en être exclus. La CAPAC est un organisme public ; comme dans beaucoup d’institutions publiques, sa gestion est intégrée dans la concertation sociale avec les représentants des employeurs et des travailleurs.

Si l’on nous retire de l’organe de gestion de la CAPAC, alors le financement doit être à la même hauteur pour tous les organismes de paiement. Cela correspond à notre plaidoyer pour des règles équitables et une plus grande transparence. Selon nos calculs, une telle égalisation signifierait une réduction de moyens d’environ 27 millions d’euros pour la CAPAC. Ce n’est pas un coup bas ; c’est la conséquence logique  « traitement égal » que Ronse réclame bruyamment.