A Gaza, le génocide continue

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“Ville humanitaire” ou camp de concentration? 

Le 7 juillet, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz a annoncé la création d’une “ville humanitaire” sur les ruines de Rafah. Cette zone accueillerait dans un premier temps les 600 000 déplacés de la zone côtière d'Al-Mawasi, et comprendrait quatre centres de distribution d’aide humanitaire, gérés par des partenaires internationaux. À terme, l’ensemble de la population civile de Gaza, soit plus de deux millions de personnes, serait relocalisé dans cette zone par l'armée israélienne. Une fois “screenés” et entrés, les Palestiniens ne pourraient plus en sortir. Israël profiterait de la trêve de deux mois en cours de négociation pour construire cette “ville”. L’annonce d’Israel Katz a suscité un tollé dans dans les médias israéliens, où la future “ville humanitaire” est comparée à un “camp de concentration” (voir opinions des journalistes Zvi Bar’el, Gideon Levy, et l'ancien premier ministre Israélien Ehud Olmert). Révélé par Reuters le même jour, un plan de “zones de transit humanitaire” gérées par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) dans lesquelles les Palestiniens pourraient “résider temporairement, se déradicaliser, se réintégrer et se préparer à se réinstaller s'ils le souhaitent" vient compléter le tableau.

Profit sur déplacement forcé

Selon des informations du Financial Times, le Boston Consulting Group et le Tony Blair Institute for Global Change ont élaboré un plan économique pour établir une Riviera à Gaza, selon le plan évoqué par Trump en février. Ce plan prévoit de payer 500.000 Palestiniens pour qu’ils quittent la bande de Gaza. Avec moins d’habitants, la bande de Gaza pourrait selon eux davantage attirer les investisseurs.

“Follow the money”

L’armée israélienne justifie les démolitions à Gaza par de soit-disant nécessités militaires, mais les rémunérations promises aux opérateurs de machineries lourdes engagées dans ces opérations prouvent que tout est fait pour inciter à détruire un maximum de bâtiments, rendant ainsi impossible le retour des citoyens palestiniens. 

Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) rapporte que plus d'un million d'enfants sont touchés par la famine et la malnutrition croissantes.

Catherine Russell de UNICEF, a déclaré que plus de 17 000 enfants auraient été tués et 33 000 blessés à Gaza en 21 mois.

Pénurie de carburant

Le carburant est l'élément essentiel de la survie à Gaza. Il alimente les hôpitaux, les systèmes d'approvisionnement en eau, les réseaux d'assainissement, les ambulances et tous les aspects des opérations humanitaires. Après plusieurs mois de blocus total du carburant, les Nations Unies  signalent que la pénurie de carburant à Gaza a atteint un niveau critique. Même si, la semaine dernière, Israël a autorisé pour la première fois en 130 jours l'entrée de carburant, l'ONU indique que la quantité permise ne suffit que pour une seule journée.

Pendant ce temps-là, ailleurs dans le territoire palestinien occupé

Alors que l’attaque israélienne sur l’Iran et la situation à Gaza attirent tous les regards, les colons mènent des attaques quotidiennement des attaques meurtrières en Cisjordanie, avec l’assistance des forces d’occupation israéliennes. Vendredi 11 juillet, un Palestinien-Américain de 20 ans, Sayfollah Musallet, a ainsi été battu à mort par des colons. Dans le village palestinien majoritairement chrétien de Taybeh, les colons harcèlent les habitants et ont attaqués les ruines d’une église du 5e siècle. La veille, la police israélienne, dirigée par le ministre extrémiste de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, annonçait la création d’un nouveau corps de volontaires composé de colons, une initiative que plusieurs organisations anti-occupation ont qualifiée de 'milice privée loyale à Ben Gvir'.

Déplacement forcé

Au sud de la vallée du Jourdain, des centaines de Palestiniens ont été déplacés de force du village de Mu'arrajat le 5 juin, en raison de la violence de colons qui avaient établi un avant-poste au cœur du village quelques jours plus tôt. Cette expulsion rappelle la situation des communautés de la région de Masafer Yatta, au sud d’Hébron, sont soumis à la violence quotidienne des colons et à un ordre d’expulsion pouvant être mis en œuvre à tous moments. 

Droit colonial

Dans un rapport approfondi publié le 3 juillet, l’ONG palestinienne en Israël, Adalah, détaille en nouveau comment les gouvernements israéliens successifs ont construit un cadre juridique visant à étendre et à consolider les colonies, tout en érodant systématiquement les droits fonciers des Palestiniens. Le rapport explique comment le gouvernement israélien extrémiste actuel s'est appuyé sur ces fondements pour accélérer une nouvelle phase d'annexion.

Tous les yeux sur l’UE 

Deal de Kallas

Jeudi 10 juillet, la Haute représentant Kaja Kallas a conclu un « deal avec Israël pour l’entrée de plus d’aide humanitaire à Gaza. Bien que cela montre que les (menaces de) sanctions économiques peuvent avoir un impact sur la situation humanitaire, ce deal n’a pas encore montré la moindre amélioration sur le terrain où des dizaines de Palestiniens ont encore été tués aux sites de distribution d’aide entretemps.

Israël a d'ailleurs déclaré qu'il n'y avait pas d'accord formel avec l'Europe.

Alors que toute amélioration de la situation humanitaire catastrophique à Gaza serait évidemment la bienvenue, l'annonce de Mme Kallas est loin d'être l'avancée majeure qu'elle prétend être. Les exigences d’aide humanitaire ont déjà été fixées par la Cour internationale de justice en 2024 : une aide humanitaire complète et sans entrave. Après avoir demandé en vain pendant un an et demi que les mesures provisoires de la Cour soient mises en œuvre, l'UE abaisse à présent considérablement la barre et la présente comme une avancée diplomatique. Les "concessions" israéliennes sont également citées par certains pour geler la discussion sur une éventuelle suspension de l'accord d'association UE-Israël (basée sur la violation par Israël de l'article 2 de l'accord). Ceci alors que les violations de l'article 2 auxquelles il est fait référence ne concernent pas seulement Gaza mais aussi la Cisjordanie, et que la portée des violations identifiées à Gaza est bien plus large que le blocage de l'aide humanitaire. Le fait qu'Israël autorise maintenant l'aide humanitaire, après avoir insisté pendant des mois sur le fait qu'il ne pouvait pas le faire à cause du Hamas, est en fait aussi un aveu de culpabilité de la part d'Israël qui a affamé la population civile palestinienne au cours des derniers mois.

Options sur la table

Suite au constat des violations par Israël de l’article 2 de l’Accord d’association, la Haute représentante a présenté aux Etats les options de mesures appropriées de l’UE, certaines demandant l’unanimité (suspension totale de l’accord ou de son volet politique, sanctions contre les colons) d’autres la majorité qualifiée (suspension du volet commercial de l’Accord, mesure commerciale pour interdire les produits des colonies). Pour la première fois, l’interdiction des produits des colonies par les Etats membres est reconnue comme une option plausible par la Commission européenne, une reconnaissance de la mesure prise par l’Irlande et que pourrait suivre la Belgique. Ces options ont été discutées lors du Conseil des Affaires étrangères du 15 juillet. 

Aucune mesure n'a été prise, Kallas assurera un suivi toutes les deux semaines et remettra le sujet à l'ordre du jour en septembre.

Appels de la société civile

Même si l’aide humanitaire reprenait suite au deal de Kallas, cela n’enlève en rien l’obligation pour l’UE de suspendre son Accord d’association avec Israël. En effet, les violations relevées par l’UE dépassent de loin le blocage de l’aide humanitaire, et ne concernent d’ailleurs pas que Gaza, aussi la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Les appels de la société civile européenne et belge à suspendre l’Accord restent donc plus que jamais d’actualité. À la veille du Conseil, Amnesty International, l’ONG palestinienne Al-Haq Europe, ainsi qu’une coalition d’ONG israéliennes, ont également exigé que l’UE ne limite pas sa réponse à la situation humanitaire.

Poursuite

Le 7 juillet, des victimes palestiniennes appuyées par des citoyens et des organisations mettent l’Etat belge en demeure pour son inaction vis-à-vis de la situation à Gaza. Elles demandent à l’Etat belge de « mettre en œuvre tous les moyens raisonnablement à leur disposition » face au génocide en cours à Gaza comme l’impose la Convention sur le Génocide de 1948. Sans réponse d’ici le mercredi 16 juillet, le collectif introduira une action en référé devant le tribunal de première instance de Bruxelles. 

Sanctions et solidarité internationales

Sanctions US

Les Etats-Unis ont annoncé sanctionner la Rapporteuse des Nations Unies pour la situation des droits humains dans le Territoire palestinien occupé, Francesca Albanese, pour ses collaborations avec la Cour pénale internationale et son dernier rapport sur l’économie du génocide. Réagissant à cette annonce, Stéphane Dujarric, porte-parole des Nations Unies, a déclaré que l'imposition de sanctions aux rapporteurs spéciaux constituait un "dangereux précédent". Pied de nez à la nomination de Donald Trump pour le prix Nobel de la paix (déposée le Premier ministre israélien Netanyahou), Avaaz a lancé une pétition pour promouvoir la candidature de Francesca Albanese et des médecins de Gaza à ce prix. 

Dans son rapport, Francesca Albanese fait référence à la complicité des entreprises et du secteur privé : Elbit Systems, IBM, Microsoft, Caterpillar, Hyundai, Volvo, Heidelberg, Materials, CAF, BP, Chevron, Booking, AirBNB, BNP Paribas Fortis, Allianz, Axa et d'autres.

En Colombie, des représentants de 30 pays se sont réunis (groupe de La Haye) pour discuter de mesures concrètes à prendre contre Israël.

Flotille : un nouveau bateau de la Flottille de la liberté, le Handala, a pris le large dimanche 13 juillet depuis Siracuse en Italie pour rejoindre Gaza et briser le blocus israélien. Son trajet peut être suivi ici

Belgique

Le tribunal de première instance de Bruxelles a non seulement ordonné au gouvernement flamand de bloquer un conteneur spécifique contenant du matériel militaire, mais a également interdit tout nouveau transit de matériel militaire vers Israël. Mais le gouvernement flamand considère un appel

À l'occasion de son discours prononcé à l'occasion de la fête nationale, le roi Philippe de Belgique a qualifié les souffrances à Gaza de honte pour l'humanité et a déclaré qu'il se joignait à tous ceux qui dénoncent les graves violations humanitaires commises à Gaza, où des innocents meurent de faim et sont tués par des bombes, suffoquant dans leur enclave.

Le Ministre Prévot, conjointement avec d'autres ministres des Affaires étrangères, a lancé un appel à Israël pour qu'il mette fin à la guerre.

Agenda

Save the date : la prochaine manifestation nationale pour la Palestine aura lieu le samedi 7 septembre prochain.