Une nouvelle liste migratoire des métiers moyennement qualifiés ?

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Le gouvernement flamand applique un modèle concentrique pour la migration de main-d'œuvre afin de s’attaquer à la pénurie sur le marché du travail. Selon ce modèle, on vérifie en premier lieu si un poste vacant peut être pourvu en Flandre. En cas de pénurie de main-d'œuvre sur le territoire flamand, la recherche est étendue aux autres régions de Belgique. Ensuite seulement, la prospection s’étend au marché du travail européen, puis aux pays hors de l'Espace économique européen.
Tous les deux ans, le ministre en charge de la migration de main-d'œuvre établit une liste migratoire des métiers moyennement qualifiés pour lesquels il existe une pénurie structurelle suivant le modèle concentrique. Le 21 mars 2025, un collaborateur de cabinet et des collaborateurs du département WEWIS (Travail, Économie, Sciences, Innovation et Économie sociale), service migration économique, ont présenté la nouvelle liste et la nouvelle méthode à la Commission consultative pour la Migration économique du SERV (le Conseil socio-économique de la Flandre). Ensuite, comme la législation le prévoit, la Commission consultative pour la Migration économique du SERV a été consultée au sujet du projet d’AM.
Liste des métiers en pénurie
Pour parvenir au nouveau projet de liste en partant de la liste générale des métiers en pénurie du VDAB, le ministre applique un certain nombre de critères : il doit s’agir de fonctions moyennement qualifiées requérant un niveau de qualifications 3 ou 4 sur la base de l’expérience ou de la formation. Par ailleurs, seuls les métiers en pénurie quantitative, pour lesquels trop peu de demandeurs d’emploi sont disponibles sur le marché du travail, sont pris en compte. Les métiers avec un indicateur de tension trop élevé sont donc exclus. La condition selon laquelle une fonction doit également figurer sur la liste européenne des métiers en pénurie est supprimée : l'absence de pénurie dans un autre pays ne signifie pas automatiquement qu'il y a un excédent de main-d'œuvre dans ce pays.
Le ministre ajoute encore d’autres critères, réduisant ainsi la liste migratoire. Il s’agit des critères suivants :
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le VDAB doit avoir réceptionné au moins 150 offres d’emploi pour la fonction concernée entre mars 2024 et février 2025 inclus (pour la liste habituelle des métiers en pénurie, le seuil est de 50) ;
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la fonction en pénurie doit avoir été en pénurie pendant quatre années consécutives au cours des cinq dernières années ;
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les fonctions assorties d’exigences spécifiques concernant l’exercice de la profession sont exclues : moniteur d’auto-école, chauffeur de bus (connaissance du code de la route belge), gardien(ne) d’enfants, accompagnateur d’activités sportives ;
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les fonctions présentant des indices d’abus et de sensibilité à la fraude sont exclues. Concrètement, il s’agit des fonctions suivantes : bouchers, boulangers, chauffeurs de poids lourds (et variantes), installateurs d’équipements sanitaires et chefs cuisiniers.
Ces critères ont ensuite été appliqués à une première liste de 124 fonctions. De cette liste, 52 fonctions n’ont pas été retenues en raison de l’absence de pénurie quantitative et de pénurie structurelle (critère de quatre années consécutives au cours des cinq dernières années). Parmi les fonctions restantes, les fonctions similaires ont été regroupées, comme à chaque fois. Après un dernier contrôle sur la base des nouveaux critères, une liste de 23 métiers a ainsi été obtenue.
Renforcement du modèle concentrique
Le gouvernement flamand, dans sa volonté de limiter les abus et la fraude liés à la migration économique, durcit l’approche de la migration de main-d'œuvre selon le modèle concentrique. Outre le durcissement de la politique d’activation et une attention accrue pour la mobilité interrégionale, l’accent porte maintenant principalement sur la migration de main-d'œuvre hautement qualifiée et, dans une moindre mesure, de main-d'œuvre technique moyennement qualifiée.
Dans le même temps, nous constatons que le nombre de métiers en pénurie quantitative et qualitative augmente sur le marché du travail flamand. La liste migratoire des métiers moyennement qualifiés devrait donc être établie idéalement sur la base d'une évaluation de la liste actuelle et des faits objectifs. Or, nous constatons que les critères et la méthodologie utilisés pour établir la nouvelle liste ne sont pas suffisamment étayés. Ainsi, on ne sait pas exactement pourquoi :
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une fonction doit être un métier en pénurie pendant quatre années consécutives ;
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la condition de 50 offres d’emploi réceptionnées pour la liste générale des métiers en pénurie est soudainement multipliée par trois pour la liste migratoire ;
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les conditions d’accès à un métier deviennent subitement un critère pour exclure des fonctions de la liste migratoire ;
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les indices d’abus ne sont pas objectivés : à partir de quand la proportion d’abus constatés par secteur est-elle trop élevée par rapport au nombre total d’abus constatés tous secteurs confondus ?
Une politique plus dure en fonction du degré d’instruction des travailleurs migrants (c’est-à-dire imposant plus de restrictions pour les travailleurs peu qualifiés) est une bonne chose, mais elle ne tient pas compte de l’ampleur réelle des pénuries sur le marché du travail. Le durcissement du modèle concentrique passe outre ce qui est nécessaire dans la société. Fermer la voie d’accès au marché du travail pour les travailleurs migrants faiblement qualifiés par le biais de la catégorie « autres » entraînera non seulement un durcissement de la politique d’activation pour la réserve de main-d'œuvre et de la politique relative à la mobilité interrégionale, mais risquera également d’encourager le travail illégal.
Absence d’offensive en matière de formation
Une politique qui mise sur la migration de main-d'œuvre comme solution ultime exige avant tout aussi des réponses aux défis qualitatifs du marché du travail. Un durcissement du modèle concentrique doit s’accompagner d’efforts dans chaque couche du modèle et partant, d’investissements dans l’enseignement et les formations. Le gouvernement actuel réduit les dépenses consacrées aux mesures de formation dans le domaine de l'emploi alors que la situation exige une vaste offensive en matière de formation. En outre, il convient également d'assurer une bonne adéquation entre l'enseignement et le marché du travail.
On constate que l’offre en matière d’enseignement et de formation et l’afflux d’étudiants diplômés sur le marché sont insuffisants pour des profils très demandés, par exemple dans les secteurs de la construction, de la logistique, du métal et de l’industrie alimentaire. La politique n’apporte aucune réponse à ce sujet, que ce soit par mouvement de rattrapage dans l'enseignement initial ou par une offre qualifiante auprès d'autres organismes de formation. Tant que l’offre de formations pour travailleurs et demandeurs d’emploi et l'afflux de diplômés ne seront pas suffisants pour couvrir les besoins, la migration de main-d'œuvre demeurera nécessaire pour ces fonctions.
Reste également à savoir si et quand cette nouvelle liste migratoire entrera en vigueur. L’AM a été simultanément présenté à la commission consultative et soumis pour avis au Conseil d'État. Et c'est vraisemblablement là que le bât blesse : le ministre n’a toujours pas autorisé la publication de cet avis.
Auteur : sarah.lambrecht@vlaamsabvv.be