Réintroduction de la période d’essai : des effets potentiellement dévastateurs

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Le gouvernement De Wever-Bouchez veut réintroduire, sous couvert d’une réforme des délais de préavis, une forme de période d’essai. Une mesure qui rompt l’équilibre entre ouvriers et employés et risque de fragiliser encore les travailleurs débutants. La FGTB dénonce un retour en arrière social aux conséquences lourdes.

La période d’essai revient par la petite porte 

Le ministre de l’Emploi a demandé au Conseil National du Travail de rendre un avis sur un avant-projet de loi modifiant la réglementation en matière de délais de préavis. Cela signifie que, pour les travailleurs comptant moins de six mois d’ancienneté, le délai de préavis serait limité à une seule semaine. 

À l'heure actuelle, le délai de préavis est encore de 5 semaines si l'ancienneté atteint 5 mois. L'objectif est de réintroduire une forme de période d'essai. Jusque fin 2013 (avant l’introduction du statut unique), la loi sur les contrats de travail prévoyait la possibilité d’insérer une clause d’essai dans le contrat de travail. Ceci visait, d’une part, à évaluer les compétences professionnelles du travailleur et, d’autre part, à lui permettre de se familiariser avec la fonction proposée et l’environnement de travail.

Toutefois, l’avant-projet de loi ne vise pas à réintroduire une clause d’essai telle qu'elle existait auparavant, mais à introduire un délai de préavis plus court tant pour les ouvriers que pour les employés comptant moins de six mois d'ancienneté (telle qu’elle existait auparavant pour les ouvriers uniquement).

Un coup porté au statut unique et à la sécurité de l’emploi

La modification proposée par le gouvernement De Wever-Bouchez rompt le fragile équilibre atteint dans le cadre de l'harmonisation des statuts entre ouvriers et employés. Assez cyniquement, le ministre de l’Emploi demande, dans le cadre d’une autre demande d’avis, aux interlocuteurs sociaux d'élaborer des propositions pour le 31 décembre 2026 afin de parvenir à une harmonisation définitive des statuts entre ouvriers et employés. 

En limitant le délai de préavis à une semaine pour les personnes ayant moins de six mois d'ancienneté, il ne sera peut-être plus nécessaire de recourir à un contrat temporaire. En effet, même dans le cas d'un contrat à durée indéterminée, seul un délai de préavis d'une semaine doit être pris en compte pendant les six premiers mois. Il est toutefois difficile de déterminer dans quelle mesure cet effet se produira.

Des conséquences lourdes pour les travailleurs et l’intérim 

Ce qui est déjà certain, en revanche, ce sont les conséquences extrêmes que cette mesure entraînera. Plus précisément, son impact sur d'autres aspects du droit du travail, en particulier la réglementation du travail intérimaire. Dans la réglementation du travail intérimaire, la sanction classique consiste en effet à considérer que, si les conditions et les règles ne sont pas respectées, le travailleur intérimaire est supposé être lié à l'utilisateur par un contrat à durée indéterminée. Le respect obligatoire du délai de préavis d’un tel contrat constitue en soi la sanction. En réduisant ce délai de préavis à une semaine pendant les six premiers mois, on peut difficilement affirmer qu'il s'agit ici d'une sanction. 

L’ampleur des conséquences de cette mesure apparaît clairement lorsqu’on examine les cas prévus par la réglementation relative au travail intérimaire pour lesquels cette sanction est prévue. Il s'agit des cas suivants :

  • ne pas établir (ou ne pas établir à temps) le contrat de travail intérimaire par écrit ;
  • employer un travailleur intérimaire en dehors des motifs autorisés ;
  • continuer à employer un travailleur intérimaire alors que l'agence d'intérim a fait savoir qu'elle souhaitait le retirer en raison d'une grève ;
  • (continuer à) employer un travailleur intérimaire en violation des modalités liées au motif de remplacement d'un travailleur dont le contrat de travail a été résilié ;
  • (continuer à) employer un travailleur intérimaire en violation des modalités liées au motif d'augmentation temporaire du travail ;
  • non-respect du nombre maximal de tentatives et de la durée maximale d'occupation dans le cadre du motif d’insertion.

Dans le même ordre d’idées, les conditions relativement strictes pour invoquer le motif d’insertion sont également assouplies. En effet, le recrutement proprement dit après l’insertion implique obligatoirement un contrat à durée indéterminée. Mais là encore, l'employeur en question ne devra respecter qu'un délai de préavis d'une semaine pendant les six premiers mois d'occupation.

La FGTB exige des garanties et une vraie protection 

Afin d'éviter quelque peu ces conséquences extrêmes de la limitation du délai de préavis pendant les six premiers mois d'ancienneté, le gouvernement doit simultanément (et idéalement même au préalable) modifier la réglementation relative au travail intérimaire afin d’y inclure, dans le code pénal social, des sanctions spécifiques d’un niveau approprié.

Par ailleurs, d'autres dispositions du droit du travail perdent ainsi pratiquement toute leur valeur. C'est le cas, par exemple, des règles relatives aux contrats à durée déterminée successifs. Dans ce cas également, la règle veut qu'en cas de non-respect, le travailleur soit considéré comme lié par un contrat à durée indéterminée. Pour ces situations également, il convient donc de reprendre une sanction spécifique d'un niveau approprié dans le code pénal social. 

Nous ne manquerons pas de le préciser clairement dans notre avis au Conseil National du Travail.

Auteur: Lander.vanderlinden@fgtb.be

 

Lander.vanderlinden@abvv.be