Réforme Jambon : le SFP alerte sur une réforme injuste et inapplicable

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Le Comité de gestion du SFP demande à l’unanimité de neutraliser le chômage temporaire et les emplois de fin de carrière jusqu’à l’âge de la pension pour le « plafond de 20% d’assimilations » 

Le 25 septembre, le comité de gestion du Service fédéral des Pensions (SFP) a envoyé un avis largement divisé au ministre des Pensions. Les employeurs émettent un avis positif sur la réforme. « L'exercice aurait pu être mené jusqu’au bout », déclarent même les organisations patronales. Les employeurs demandent ainsi un malus de pension pour toute personne qui prend sa pension avant l'âge de 67 ans. De leur côté, les syndicats émettent un avis négatif sur l'ensemble des mesures proposées. La réforme Jambon est une pure économie de pension sur mesure pour ceux qui ont eu une carrière modèle. Les syndicats demandent explicitement le maintien intégral de l’assimilation pour les jours de maladie (dispense malus de pension & nouvelle porte d’accès à la pension anticipée) et le maintien de la prise en compte de la 1ère année de carrière selon les conditions actuelles (104 jours travaillés ou assimilés).

Un avis unanime sur un point clé de la réforme Jambon

Il est important de noter que, dans un volet commun, les syndicats et les employeurs demandent, conformément à l'accord social récemment conclu (juin 2025) sur la fin de carrière, de neutraliser les jours de chômage temporaire et les emplois de fin de carrière jusqu'à l'âge de la pension pour le futur « plafond de 20% de périodes assimilées ».

Nous reprenons ci-dessous la partie commune de l’avis.

  1. 1. Les membres du comité de gestion rappellent l'accord social de fin de carrière (conclu en juin 2025), en particulier les passages suivants : 

  2. « Les périodes d’emploi de fin de carrière pour lesquelles une allocation est prévue sont pleinement prises en compte pour l'accès et le calcul des droits de pension des travailleurs qui travaillent jusqu'à l'âge légal de la pension » 

  3. « Les périodes de chômage temporaire (y compris pour les ouvriers) ne peuvent avoir d'impact négatif sur les droits sociaux des travailleurs » 

    1. 2. Conformément à cet accord social, les membres du comité de gestion demandent : 

  4. de neutraliser les jours de chômage temporaire pour le futur « plafond de 20% d’assimilations » ainsi que les jours d’emploi de fin de carrière dans la mesure où le travailleur a travaillé jusqu'à l'âge légal de la pension. 

  5. de prendre en compte les emplois de fin de carrière pour la condition de travail pour la pension minimum garantie dans la mesure où le travailleur a travaillé jusqu'à l'âge légal de la pension. 

  6. d'assimiler les jours non travaillés dans le cadre d'un emploi de fin de carrière à un salaire fictif normal dans la mesure où le travailleur a travaillé jusqu'à l'âge légal de la pension. 

Des simulations du SFP qui confirment un impact massif et genré

Le Service fédéral des pensions (SFP) a également réalisé une simulation approfondie de l'impact cumulé des mesures d'économie sur le montant final de la pension. Le « plafond » sur les périodes assimilées (20 % à partir de 2031), le malus de pension en cas de pension anticipée et l'application effective de la condition de travail pour la pension minimum (5.000 jours travaillés)[1] apparaissent comme des mesures ayant un impact potentiel (cumulatif) important. À lui seul, le « plafond de 20 % » des périodes assimilées entraîne une perte de pension pour pas moins de 3 salariés sur 10, dont environ 3 sur 4 sont des femmes. 

estimation de l'impact

Concrètement, le SFP a appliqué les règles de pension pour 2033 aux personnes qui ont pris leur pension en 2023 et est parvenu aux conclusions suivantes en termes d'impact cumulé :

  • Les économies réalisées sur les pensions ont un impact sur 3 travailleurs sur 10. Les personnes concernées perdent en moyenne 318 € par mois. 

  • Les mesures relatives aux pensions ont clairement un impact plus important sur les femmes et sur les pensions les plus basses. Dans le premier quintile, soit les 20 % de pensions les plus basses, 42 % des travailleurs voient leur pension diminuer.

  • Parmi les travailleurs concernés par la pension anticipée, 44 % étaient en incapacité de travail (de longue durée).

  • Environ 7 % des travailleurs subissent un impact cumulatif important et perdent au moins 30 % de leur pension, 4 % perdant même au moins la moitié de leur pension. Ce sont surtout les travailleurs à temps partiel qui conservent leurs droits (avec ou sans allocation de garantie de revenu) et qui n'ont pas accès à la pension min. garantie qui subissent une perte de pension très importante.

Focus

Des problèmes de mise en œuvre qui annoncent le chaos administratif

Le SFP rencontre d'importants problèmes de mise en œuvre. Ceux-ci remettent en question le calendrier prévu par Jambon : malus Jambon à partir de janvier 2026, nouvelles conditions de pension anticipée et « plafond de 20 % d'assimilations » à partir de 2027. Si le ministre s'en tient à ce calendrier, il en résultera une période de grande incertitude (juridique). C'est pourquoi le Comité Général de Gestion (CGG) pour le statut social des travailleurs indépendants demande de reporter la « réforme » d'un an.

Les problèmes de mise en œuvre pour le SFP concernent à la fois le back-office et le front-office :

  • Problème de back-office 1 : le SFP doit adapter ses modèles de calcul. Les institutions de pension estiment qu'elles ne pourront calculer une nouvelle date de pension anticipée pour les travailleurs qu'à partir du 4e trimestre 2026 et pour les fonctionnaires qu'à partir du 2e trimestre 2027. Les nouveaux montants de pension pourront être calculés à partir du 2e trimestre 2027. Étant donné que la Charte du socialement assuré (1995) stipule que les citoyens doivent recevoir la décision relative à leur pension au plus tard 4 mois avant le début de celle-ci, le SFP ne pourra appliquer les nouvelles règles qu'aux pensions prenant cours à partir d'octobre 2027.

  • Problème de back-office 2 : les données détaillées sur la carrière sont souvent manquantes pour le passé. Par exemple, pour 2003, les données sur la carrière de pension ne permettent pas de distinguer le congé de maternité de la maladie, ni les jours de chômage temporaire des jours de chômage classique. Les avant-projets de loi du ministre Jambon se basent sur les données officielles relatives à la carrière et prévoient que les citoyens doivent eux-mêmes signaler les éventuelles erreurs d'enregistrement pour le passé et les corriger ultérieurement. Une telle procédure de révision individuelle peut entraîner des retards supplémentaires au sein du SFP. 

  • Problème de front office : Mypension.be n'affichera pas les estimations de pension et les dates de pension les plus proches pendant environ un an. Après le vote de la loi, les estimations et les carrières de pension disparaîtront et mypension.be n'affichera plus que l'âge légal de la pension. À la fin de cette année, les personnes âgées de plus de 55 ans recevront uniquement une notification leur indiquant si elles peuvent prendre une pension anticipée sans malus Jambon sur la base des jours effectivement travaillés. Au cours de l'année 2026, il est prévu d'ajouter progressivement des informations supplémentaires sur mypension.be. De nombreux travailleurs n'obtiendront donc pas de réponse définitive sur l'application ou non du malus sur la base de mypension.be.

Au Parlement, le ministre Jambon a déclaré que les citoyens qui auront introduit leur demande de pension dans les délais au cours de l'année 2025 recevront une décision définitive du SFP dans le délai légal de 4 mois, sur la base de la législation actuelle. Le ministre déclare qu'il n'y aura pas de recouvrement a posteriori et que ces décisions de pension sont définitives. La question reste de savoir ce qu'il adviendra en 2026 et début 2027 des demandes de pension postérieures au vote de la loi au Parlement. La loi est en vigueur, mais le service des pensions se dit incapable de l'appliquer. Est-ce qu’aucun malus ne sera alors appliqué dans les situations où cela serait nécessaire de jure ? Et qu'en est-il du nouveau bonus de pension pour ceux qui restent actifs après l'âge de la pension ? À l'heure actuelle, il n'y a pas de réponses concluantes à ces questions.

Auteur: olivier.pintelon@fgtb.be


[1] La condition d'« emploi effectif » pour l'accès à la pension min., introduite par le gouvernement Vivaldi, n'est actuellement pas appliquée par le SFP pour les personnes nées en 1960 et avant.