Une nouvelle décision favorable au cumul des indemnités de protection et de discrimination

Bescherming en discriminatie

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L'indemnisation pour violation de la protection d'un employé peut être combinée avec l'indemnisation pour discrimination. Les deux indemnités couvrent des finalités différentes et peuvent donc être cumulées. 

Dans une décision du 18 juillet 2024, le tribunal du travail de Gand condamne un employeur à une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire brut pour discrimination syndicale, conformément à la loi anti-discrimination. L’affaire concerne le licenciement immédiat d’un délégué de la FGTB au Conseil d’entreprise sans qu’ait été respectée la procédure de licenciement prévue par la loi de 91 sur la protection des délégués. 

Délégués à la protection

Selon cette loi, les délégués du personnel et les candidats délégués du personnel ne peuvent être licenciés que pour un motif grave préalablement admis par la juridiction du travail ou pour des raisons d'ordre économique ou technique préalablement reconnues par l'organe paritaire compétent. 

Dans cet affaire, l’employeur avait licencié le délégué sans saisir préalablement le tribunal moyennant le paiement de la double indemnité de protection (rémunération restant à courir jusqu’à la fin du mandat et indemnité liée au nombre d’années de service). Une demande de réintégration de son syndicat de même qu’une tentative de conciliation auprès du Comité paritaire étaient restées sans suite. 

Principes de discrimination

Dans sa décision, le tribunal rappelle d’abord les principes en matière de discrimination. Notamment lorsqu'une personne qui s'estime victime d'une discrimination invoque devant le juge des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination, c’est à la partie adverse de prouver que tel n’a pas été le cas. 

Ici, la présomption repose essentiellement sur le licenciement après 13 ans de service, sans la moindre motivation. Le tribunal souligne également le rejet laconique de la demande de réintégration, la non-réponse à la demande de motivation fondée sur la CCT 109, le refus de conciliation, et le non-respect de la procédure de licenciement. 

L’employeur échoue à rapporter la preuve contraire. Il invoque pour la première fois devant le tribunal les absences pour maladie du requérant et l’impact négatif sur l’organisation du travail. Cependant, ces absences étaient justifiées et trop anciennes pour avoir un impact décisif. De même des attitudes indisciplinées étaient tout à fait marginales. La discrimination sur base de la conviction syndicale est établie. 

Dommages cumulés, objectifs différents

Le tribunal examine ensuite la question du cumul de l’indemnité forfaitaire prévue par la loi anti-discrimination avec l’indemnité fondée sur le loi de 91. Il rappelle qu’aucune des 2 lois n’interdit le cumul, qui, selon la Cour de cassation, ne peut survenir que si les indemnités poursuivent des objectifs différents. Ainsi, l’indemnité de protection couvre tant le dommage déduit du licenciement irrégulier (sans respect du délai de préavis obligatoire) que celui issu de la violation de la protection particulière du travailleur. C’est aussi une indemnité pour l’abus de procédure de l’employeur. 

L’indemnité de discrimination est une sanction civile pour un traitement discriminatoire sans que la victime ne doive prouver le dommage moral ou matériel subis. Les deux indemnités couvrent des finalités différentes et peuvent donc être cumulées. Le tribunal s’appuie sur l’enseignement d’un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 6 mai 2024 (également partagé par la Cour du travail de Mons, 9 septembre 2022). 

Le même acte juridique

S’écartant de la jurisprudence de la Cour d’appel de Gent du 8 avril 2024, il conclut que le fait que le même acte juridique soit à la base de la demande d'indemnisation complémentaire est insuffisant pour exclure le cumul il faut prendre en compte les différents dommages pour lesquels les différentes lois prévoient une indemnisation. La Cour du travail de Gent estimait en effet que tant la loi de 91 que celle de 2007 prévoient une sanction civile afin de garantir le travailleur contre la discrimination. Le travailleur obtient gain de cause mais l’employeur a fait appel. 

Auteur : isabelle.doyen@fgtb.be