Le gardien de la vie privée critique vivement le renforcement du suivi des malades de longue durée

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Dans le cadre de l’accord de gouvernement, le gouvernement De Wever-Bouchez souhaite adapter la procédure de réintégration des malades de longue durée. Ces adaptations imposent de nouvelles tâches pour le médecin du travail ainsi qu’un suivi et une activation accélérés. Cela a donné lieu au projet d'arrêté royal modifiant le Code du bien-être au travail en ce qui concerne la réintégration des travailleurs en incapacité de travail et la prévention des absences de longue durée.
L’APD donne raison aux syndicats
Au sein du Conseil supérieur de prévention et de protection au travail (CSPPT), les interlocuteurs sociaux ont rendu un avis sur la nouvelle procédure, assorti d’un certain nombre de réserves et de remarques critiques. L'Autorité de protection des données (APD) a donné raison aux syndicats quant à leurs préoccupations concernant la vie privée des travailleurs et a rendu mi-juillet un avis sévère sur différents aspects de l'échange possible de données médicales entre différents acteurs.
La loi sur la plateforme TRIO sous le feu des critiques
Dans son avis, l'APD ne vise pas uniquement les adaptations apportées au Code du bien-être au travail, mais réitère également avec force ses critiques à l'égard de la loi qui instaure la plateforme TRIO. L’APD craint que les données partagées ne soient utilisées par le médecin-conseil pour contrôler la personne en incapacité de travail. L'utilisation de termes et de références vagues crée le risque d'échanges de données insuffisamment encadrés. Cette loi devra probablement être modifiée.
Elle rappelle également une fois de plus que l’acteur (l’un des médecins concernés, le coordinateur RT) ne peut mettre un document à disposition que s'il a reçu l'autorisation de la personne en incapacité de travail.
Le gouvernement De Wever-Bouchez se heurte à la protection des données
L’APD formule des critiques de fond sur plusieurs points de l'accord de gouvernement qui sont transposés en législation via cet AR.
Ainsi, l'APD critique vivement une disposition proposée qui formule de manière trop large les possibilités de concertation avec les médecins concernés. Tant l'information sur les circonstances pouvant être à l'origine de l'absence d'un travailleur et de l'évolution de son état de santé que la concertation sur l'état de santé d'un travailleur doivent en principe être limitées aux situations relevant de la visite préalable à la reprise du travail, du parcours de réintégration et de la procédure spéciale prévue à l'article 34 de la loi relative aux contrats de travail.
Selon une nouvelle disposition, l’employeur doit contacter les travailleurs en incapacité de travail conformément à la procédure prévue dans le règlement de travail. L’APD souligne qu'il appartient au législateur de déterminer qui doit contacter le travailleur en incapacité de travail. Cette décision ne peut être laissée à l’employeur dans son règlement de travail.
L’APD s'oppose à l'élargissement aux services régionaux de placement
L’APD s'oppose également clairement à l'élargissement de cette plateforme aux services régionaux de placement annoncé dans l'accord de gouvernement. Elle estime que s’ils obtiennent un accès structurel aux données médicales ou sociojuridiques via la plateforme TRIO, cela risque de brouiller les rôles (accompagnateur et évaluateur potentiel), une perception de contrôle ou de manipulation des personnes peu disposées à travailler, avec une possible réticence des travailleurs. Elle met également en garde contre des problèmes de proportionnalité et de minimisation des données, étant donné que l'accès structurel à la plateforme TRIO signifie également l'accès à des informations médicales (ou liées au droit social et au travail).
Quelles sont les conséquences d'un avis négatif de l’APD ?
Les recommandations de l'APD ne sont pas contraignantes, mais peuvent avoir des conséquences juridiques indirectes, comme les avis préalables du Conseil d'État. Néanmoins, elles peuvent servir d'arguments dans d'éventuelles procédures judiciaires, par exemple dans le cadre de procédures en annulation ou de litiges individuels.
À l’instar des questions soulevées dans l'avis du CSPPT, cet avis sera inscrit par la FGTB à l'ordre du jour du groupe de pilotage de la plateforme TRIO, qui se réunira pour la première fois fin novembre.
Auteur : niels.morsink@abvv.be