La base de données des certificats d'incapacité de travail menace de transformer la Belgique en État policier

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Le projet gouvernemental visant à centraliser les certificats d’incapacité de travail dans une base de données nationale soulève de graves inquiétudes. L’Autorité de protection des données y voit un risque de dérive sécuritaire et de surveillance généralisée, tandis que la FGTB dénonce une mesure disproportionnée qui fragilise la confiance entre médecins et travailleurs.
Dans l’accord de gouvernement Arizona, il est prévu que, sur la base d’une vaste fouille de données (base GAOCIT), les médecins qui prescrivent des incapacités de travail plus longues ou plus fréquentes que la moyenne feront l’objet d’un suivi particulier. Ils pourront être interpellés et même rendus financièrement responsables de leurs prescriptions jugées « excessives ».
Les travailleurs et travailleuses qui bénéficient d’indemnités d’incapacité risquent eux aussi d’être ciblés : ceux dont la relation thérapeutique serait considérée comme « inappropriée » (c’est-à-dire suspectée d’abus de certificats médicaux) pourraient être soumis à des contrôles renforcés et à d’éventuelles sanctions.
Un projet critiqué pour ses dérives sécuritaires
L’avant-projet de loi soumis pour avis à l’Autorité de protection des données (APD) par la cellule stratégique du ministre de la Santé publique a été sévèrement critiqué dans l’avis du 29 août 2025. L’APD remet en question la valeur ajoutée d’un tel dispositif, estimant qu’il existe déjà des mécanismes de contrôle et de sanction efficaces, et qu’un tel outil pourrait entraîner une dérive vers une société de surveillance.
En outre, les critères permettant de définir un « comportement de prescription inapproprié » ou un « usage abusif de la relation thérapeutique » restent flous. La durée de conservation des données – fixée à dix ans – n’est pas suffisamment justifiée, et les modalités d’accès, notamment via le numéro de registre national, ne sont pas assez encadrées. L’APD pointe aussi les risques liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour traiter ces données : les algorithmes employés doivent être transparents, leurs critères d’évaluation publiquement connus et leur fonctionnement contrôlable.
La FGTB estime que l’élargissement du champ d’application de la base de données aux bénéficiaires ayant consulté plusieurs médecins est particulièrement préoccupant. La création d’un tel outil apparaît disproportionnée au regard des contrôles déjà existants : contrôles médicaux des travailleurs, procédures disciplinaires auprès de l’Ordre des médecins, ou encore dispositifs de signalement pour concurrence déloyale.
Défendre la confiance et la solidarité, pas la suspicion
Au-delà des questions techniques, cette base de données soulève un enjeu fondamental : celui de la protection de la vie privée et du respect du secret médical. La surveillance automatisée des malades et de leurs médecins risque d’instaurer une méfiance généralisée au cœur de la relation de soins.
La FGTB appelle donc à rejeter ce projet liberticide, à renforcer plutôt la confiance dans la médecine du travail et à défendre un modèle de sécurité sociale fondé sur la solidarité, non sur la suspicion.
Auteur: Niels.MORSINK@fgtb.be