Le nombre de malades de longue durée ne cesse d’augmenter
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Près d'une travailleuse sur cinq est en congé de maladie de longue durée. L'épuisement professionnel atteint des sommets, tout comme les engagements de travail à temps partiel. Qu'est-ce que cela nous apprend ?
Les derniers chiffres de l’INAMI pour 2024 indiquent que le nombre de malades de longue durée continue à augmenter. En juin 2024, 502.580 travailleurs ont eu la malchance de tomber en maladie de longue durée. L’INAMI explique cette augmentation par « des tendances démographiques (par exemple, l’augmentation de la population active, son vieillissement, l’augmentation du taux de participation des femmes au marché du travail jusqu’à un âge plus avancé, l’augmentation constante des pathologies liées à des troubles psychiques et musculo-squelettiques, etc.) et des modifications dans d’autres régimes de sécurité sociale (par exemple, l’alignement de l’âge de la pension des femmes sur celui des hommes, la prolongation de la carrière professionnelle, la suppression progressive des régimes de chômage avec compléments d’entreprise et le renforcement des conditions d’accès à la sortie anticipée du marché du travail, etc.) »
Une ouvrière sur cinq est en maladie de longue durée
Ajoutons à cela que le taux d’invalidité chez les femmes est quasiment deux fois plus élevé que chez les hommes et qu’il augmente aussi plus rapidement. Près d’une ouvrière sur cinq (19,5%) est en maladie de longue durée, tandis que pour les employées, ce rapport est de une pour dix.
Sciensano souligne qu’en Belgique, les femmes présentent une moins bonne santé mentale, davantage de troubles musculo-squelettiques et sont également plus confrontées à la violence au travail que les hommes. Ceci s’explique en partie par les secteurs qui occupent plus de femmes.
Les burn-out augmentent trois fois plus vite
Les troubles psychiques constituent la majeure partie des groupes de maladie, suivis des maladies de l’appareil locomoteur et du tissu conjonctif. Fin 2023, ces groupes de maladie représentaient respectivement 38,23% et 31,75% du nombre total des invalidités.
Alors que le nombre total de maladies de longue durée a augmenté de 23 % entre 2018 et 2023, le nombre de travailleurs en burn-out a augmenté trois fois plus vite, à savoir de 70 %. Parmi les indépendants, le nombre de travailleurs en burn-out a même augmenté de 83 % entre 2018 et 2023.
Forte augmentation dans le groupe d’âge 60-64 ans
La plus forte augmentation du nombre de travailleurs en invalidité concerne le groupe d’âge des 60-64 ans (+48,76%). Le taux d'invalidité dans ce groupe est trois fois plus élevé que pour l'ensemble de la population des travailleurs. Dans cette tranche d’âge, certains travailleurs sont tout simplement lessivés.
Ce n'est pas parce que l'espérance de vie moyenne augmente que nous restons tous en bonne santé. Selon une étude de Solidaris, 26 % des travailleurs à faible revenu n'atteignent pas l'âge actuel de la pension, alors que ce pourcentage n’est que de 13 % pour les revenus les plus élevés. Selon l’enquête nationale de santé, pour cette tranche d’âge, l’espérance de vie sans incapacité est encore de 10 ans pour les travailleurs de 65 ans peu qualifiés et de 13 ans pour les travailleurs de 65 ans hautement qualifiés.
Davantage de malades de longue durée reprennent le travail à temps partiel
Il y a toutefois aussi de bonnes nouvelles, notamment une forte augmentation des reprises du travail à temps partiel parmi les malades de longue durée. Alors qu'en 2017, 43.383 travailleurs avaient repris le travail à temps partiel, ils étaient 78.752 en 2023. Le fait qu'environ un sixième des travailleurs en maladie de longue durée travaillent à temps partiel relativise quelque peu le nombre élevé de malades de longue durée. Dans près de la moitié des cas (46,85%), une reprise partielle du travail est suivie d'une reprise complète.
Il est également à noter qu’en 2022, un cinquième des malades de longue durée ayant développé une tumeur travaillaient à temps partiel. Une statistique à garder en tête pour quiconque osant prétendre que les malades de longue durée ne sont pas disposés à reprendre le travail.
Miser sur le travail faisable
Les risques pour la santé doivent être abordés de manière préventive. Les employeurs doivent donner la priorité aux mesures de prévention primaires.
Au niveau sectoriel, les (sous-)commissions paritaires peuvent soutenir des initiatives collectives afin de mieux organiser le travail dans les entreprises de leur secteur : mesures de prévention en matière de santé et de sécurité au travail et/ou mesures concernant la réintégration durable des malades de longue durée. A ce niveau, les cotisations de responsabilité perçues par l’ONSS et que les entreprises doivent payer en raison d’entrées excessives de leurs travailleurs en invalidité peuvent aussi être sollicitées. Pour pouvoir utiliser cet argent, les commissions paritaires doivent toutefois disposer d’un fonds de sécurité d’existence et conclure une CCT spéciale à ce sujet, dans laquelle seront précisées les mesures préventives auxquelles ce montant sera affecté.
Enfin, les travailleurs présentant des carrières longues ou occupés dans des conditions de pénibilité du travail doivent obtenir le droit de prendre un crédit-temps de fin de carrière tout en bénéficiant d’une assimilation complète pour la pension, mais aussi de bénéficier d’une pension anticipée (par le biais d'une réduction des conditions de carrière sans perte de pension).
Auteur: niels.morsink@abvv.be