Une concertation sociale ? Volontiers ! Mais que reste-t-il à négocier ?

Sur un pied d'inégalité

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Le nouveau gouvernement se dit « très favorable à la concertation sociale ». Tant mieux, mais, franchement, impossible à quiconque d’arriver à cette conclusion à la lecture de l’accord de gouvernement. Dans ce qui nous attend jusqu'en 2029, il n'est même pas possible de retrouver une ouverture laissant une chance à la concertation sociale.

Commencer par comprendre ce qu'est la concentration sociale

L’objectif de la concertation sociale est de parvenir à des accords win-win pour les deux bancs, travailleurs et employeurs, et de garantir ainsi une stabilité sociale. Le scénario idéal est que de grandes réformes soient proposées ou réalisées sur la base d'une vision partagée. Par le passé, cette vision partagée s'est traduite par des accords interprofessionnels incluant des éléments de pouvoir d'achat, de flexibilité et de fin de carrière. 

Mais depuis le bricolage de la loi sur la norme salariale en 2017, cet équilibre a disparu. D’un côté, on met des bâtons dans les roues des syndicats. De l’autre, les employeurs partent avec une longueur d’avance… Avec cet accord, on est à nouveau dans le même schéma.

Démarrage des négociations sur des bases inégales 

D’une part, la loi sur la norme salariale ne sera toujours pas modifiée et nous entamerons donc les négociations salariales avec une marge nulle. Donc, pas de marges de négociations.

D’autre part, le gouvernement nous dit qu’il prévoit une augmentation des chèque-repas et un budget pour augmenter la déduction fiscale pour les entreprises. Mais, normalement, quand on tient vraiment à la concertation sociale, on prévoit un budget pour financer des accords sociaux, sans en prédéterminer l’utilisation ! L'Accord de coalition De Wever-Bouchez fait l'inverse : si un accord social implique un coût, le gouvernement demande au préalable d'inclure des mesures compensatoires équivalentes. 

Même chose pour l’enveloppe bien-être ! Elle est destinée à améliorer les allocations sociales. C’est la base sur laquelle les interlocuteurs sociaux peuvent proposer une répartition tous les deux ans. Le gouvernement la laissera vide jusqu'en 2029. Négocier sur base d’une enveloppe vide n’a aucun sens ! 

Des résultats balayés d’un revers de la main

Quand on tient vraiment à quelque chose, on n'en dénigre pas les résultats ! C'est pourtant ce qui se passe aujourd’hui : le gouvernement rompt de nombreux accords conclus dans le cadre de conventions collectives de travail interprofessionnelles ou sectorielles. Il est ainsi prévu que le RCC (l'ancienne prépension) ne soit plus possible à partir du jour de l'Accord de coalition (sauf pour les restructurations déjà annoncées et le RCC médical). Les RCC sont dans une large mesure élaborés par le biais de conventions collectives de travail qui sont encore en vigueur aujourd'hui. Le gouvernement se place donc au-dessus du résultat de la concertation sociale, à savoir la convention collective de travail interprofessionnelle. Pour des personnes qui se disent « très favorable à la concertation sociale », c’est pour le moins contradictoire.

Les choses évoluent malheureusement dans le même sens en matière de pensions : 

  • Les économies réalisées dans les pensions sont sans précédent.
  • La pension anticipée sera retardée pour 4 travailleurs sur 10.
  • Le malus réduira radicalement les pensions légales de nombreux travailleurs.
  • La pension des fonctionnaires est démantelée en vue d’un alignement sur les faibles pensions légales des salariés.
  • Les régimes de pensions pour les métiers lourds exercés par des fonctionnaires sont supprimés.
  • Les femmes paieront au prix fort la limitation des périodes assimilées à maximum 20% de la carrière. 

Toutes les injustices que nous dénonçons sont contestées par le gouvernement qui prétend proposer une enveloppe de 500 millions d'euros sur laquelle les interlocuteurs sociaux pourront se prononcer. Mais dans le tableau budgétaire, cette enveloppe est en réalité déjà diminuée. Que reste-t-il à négocier ?

L'appel de l'enseignement semble lui avoir été entendu et c'est une bonne chose. Sauf que cela se fera sur le compte de l'enveloppe destinée aux interlocuteurs sociaux. La prise en compte de la première année de carrière pour la pension anticipée devra également être réglée avec cette enveloppe. Ici aussi, on peut donc se demander ce qu’il reste à négocier.

Le gouvernement démontre également son prétendu intérêt pour la concertation sociale en réduisant considérablement la protection contre le licenciement des candidats non élus dans le cadre des élections sociales, mettant ainsi à mal la démocratie sociale sur le lieu de travail. 

Enfin, les possibilités de négociation dans des domaines qui sont centraux pour le monde du travail sont considérablement réduites voire totalement supprimées (heures supplémentaires, travail de nuit, etc.). 

Avancer devient difficile 

En déclarant* que les syndicats n'ont pas encore apporté un euro de bien-être en plus, Bouchez montre combien sa considération pour la concertation sociale est grande. D'autres membres du gouvernement pourraient peut-être lui donner un cours de base ou un manuel d'économie et lui rappeler que:

  • un syndicat ça maintient le pouvoir d’achat,
  • que le pouvoir d'achat c’est le maintien de la consommation et
  • que la consommation, ce sont des entreprises qui vendent et produisent et donc assurent de l'emploi. 

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si en tête de liste des pays les plus prospères, on retrouve précisément les pays où les syndicats sont les plus actifs.

En tant que FGTB, nous pensons que la concertation sociale est essentielle et nous voulons qu'elle fonctionne. Mais pour ce faire, nous avons besoin d'un cadre équilibré dans lequel tous les participants démarrent sur un pied d'égalité… Mais quand on vous met des bâtons dans les roues, il devient très difficile d’avancer.

Auteur: Celien.VANMOERKERKE@abvv.be

*Le Soir 31/01/25