Réforme de l’assurance chômage (1/2) : les grandes lignes

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Le 14 avril dernier, le cabinet Clarinval envoyé pour avis le volet “chômage” du projet de loi-programme aux membres du Comité de gestion de l’ONEm et à la Section de Législation du Conseil d’Etat. Ce projet de texte a entre-temps été modifié suites aux différents avis remis au gouvernement fédéral par les membres du Comité de gestion et par le Conseil d’Etat. La FGTB proposera chaque mois un aperçu de la réforme sous un angle différent. 

Pour cette première édition, nous proposons de revenir (1) sur les trois grandes lignes de la réforme, telles qu’elles nous sont connues au moment d’écrire ces lignes et, (2) le grand absent de la réforme : l’offre finale d’emploi avant la possible exclusion du bénéficiaire des allocations de chômage.

 

Sans prétendre à l'exhaustivité, nous pouvons résumer la réforme via trois axes : durcir les conditions pour ouvrir le droit, limiter les allocations dans le temps et renforcer la dégressivité du montant des allocations. Une période transitoire encore en discussion est encore sur la table et fait couler beaucoup d’encre. 

Les conditions à remplir pour ouvrir le droit 

Actuellement, un travailleur qui souhaite ouvrir le droit aux allocations de chômage en tant que travailleur à temps plein doit prouver un certain nombre de journées travaillées durant une certaine période donnée (la période de référence), ces deux données variant en fonction de l’âge de la personne. En dessous de dessous de 36 ans il faut prouver 312 journées de travail au cours des 21 mois précédant la demande d’allocations, entre 36 ans et 50 ans il faut prouver 468 journées de travail au cours des 33 mois précédant cette demande et au-delà de 50 ans il faudra prouver 624 journées de travail au cours des 42 mois précédant la demande.

À l’avenir, les conditions sont lissées et il n’en existera plus qu’une seule, valable pour tous les travailleurs : prouver 312 journées de travail ou journées assimilées pendant une période de référence de 36 mois. Cet assouplissement (le seul de la réforme) pourrait être une bonne chose s’il n’était pas accompagné d’une diminution drastique des jours pouvant être assimilées à des journées de travail. À l’avenir, les journées qui ont donné lieu au paiement d'une indemnité en application de la législation AMI, la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents sur le chemin du travail et des maladies professionnelles ne pourront plus être comptabilisées dans les journées assimilées aux journées travaillées. Ces périodes serviront à l’avenir en partie à prolonger la période de référence (36 mois) mais l’impact de ce durcissement dépasse le simple cadre de l’ouverture du droit aux allocations de chômage. En effet, cette limitation impactera le demandeur d’emploi : 

  • Lors des possibilités de prolongation de la durée du bénéfice des allocations de chômage puisque la hauteur de la prolongation dépendra du passé professionnel, lequel sera calculé sur base des nouvelles règles de journées travaillées et assimilées ; 

  • Pour les évènements suspensifs de l’écoulement de la durée du chômage ; 

  • Pour la possibilité de limiter la dégressivité des allocations si un certain nombre d’années de carrière est atteint ; 

  • Pour rentrer dans les conditions d’exception à la limitation dans le temps des allocations de chômage pour les travailleurs âgés d’au moins 55 ans qui doivent justifier d’une carrière suffisamment longue ; 

  • Pour l’application de certaines mesures transitoires (applicables à partir du 01/07/2025).

La limitation dans le temps

L’ouverture du droit aux allocations de chômage permettra à l’avenir de bénéficier d’une période de paiement de 12 mois maximum. La réforme prévoit que le travailleur peut prolonger cette période via la preuve d’un certain nombre de mois de passé professionnel, avec un maximum de 12 mois supplémentaire. À l’avenir, le droit aux allocations de chômage variera donc, s’il est ouvert, entre un minimum de 12 mois et un maximum de 24 mois. 

Passé les 12 premiers mois (1ière période), la prolongation (2ième période) se fait sur base du calcul suivant : chaque période de 4 mois de passé professionnel donne droit à un mois supplémentaire. Certaines situations suspendent le compteur durant lequel des allocations de chômage sont dues au demandeur d’emploi. Ces évènements sont au nombre de 6 : 

  • Une reprise de travail comme travailleur à temps plein ;

  • Une reprise de travail comme travailleur à temps partiel avec maintien des droits pour laquelle aucune allocation de garantie de revenus (AGR) n’ait été octroyée au travailleur ; 

  • Une reprise de travail comme travailleur à temps partiel pour autant que cette occupation comporte normalement en moyenne au moins 12 heures de travail par semaine ou un tiers au moins du nombre d'heures de travail hebdomadaire normalement prestées en moyenne par la personne de référence, pour autant qu’aucune allocation n’ait été octroyée au travailleur durant cette occupation ;

  • Les autres jours de travail tels qu’ils doivent être compris dans réglementation chômage et qui n’entrent pas dans une des 3 situations ci-dessus et pour lesquels aucune allocation supplémentaire n’a été octroyée ;

  • La période durant laquelle le travailleur bénéficie d’une indemnité de maternité ou la période indemnisée dans le cadre d’un congé de paternité ou d’adoption ;

  • La période d’exercice d’une profession en tant qu'indépendant, lorsque l’exercice de cette profession a une durée ininterrompue d’au moins 3 mois.

La dégressivité renforcée

Le montant de l’allocation dépend d’une série de facteurs : la phase dans laquelle se trouve le travailleur (qui a un impact soit sur le pourcentage appliqué, soit sur le salaire de référence), la situation familiale du travailleur, le dernier salaire perçu (avec un plafond salarial) et le passé professionnel.

L’augmentation de l’allocation durant les premiers mois du chômage promise par l’accord du gouvernement se traduit non pas par une augmentation du pourcentage du calcul mais pas une augmentation des plafonds des salaires de référence. Cette voie a pour conséquence que tous les demandeurs ne verront pas leurs allocations être plus élevées qu’actuellement : ce n’est que pour les salaires qui se situent entre les plafonds salariaux actuels et les plafonds salariaux futurs qu’une différence se fera sentir durant les 6 premiers mois (2 plafonds salariaux distincts seront applicables, pour une durée de 3 mois chacun). 

Autrement dit, seules les personnes qui gagnent plus que l’actuel plafond salarial supérieur (132,0148 EUR/jour ou 3.432,38 EUR/mois) en tireront un avantage. Durant les mois 7 à 12, la situation restera la même qu’aujourd’hui. Pendant la future deuxième période (d’un maximum de 12 mois si prolongation il y a), le demandeur d’emploi recevra d’office une allocation forfaitaire (c’est-à-dire le minimum actuellement prévu). Il faut également noter que les minimas augmenteront de 10 % durant les 6 premiers mois, ce qui dans les faits n’aura que peu de conséquences puisqu’il est relativement rare que des travailleurs se trouvent dans les minimas dès les premiers mois de l’indemnisation.  

La FGTB s’oppose fermement à l’ensemble de la réforme qui va avoir des impacts sociaux sans précédents. Comme cela a été relayé dans la presse, nous utiliserons tous les moyens possibles et imaginables pour faire reculer ces mesures, que ce soit au niveau individuel comme à un niveau plus global. Au-delà de l’estimation du total des personnes impactées, chaque exclusion est une tragédie qui aura des impacts par ricochets : sur la personne exclue, sur ses proches, sur les CPAS et leurs travailleurs, sur les communes, leurs finances et leurs travailleurs, sur les Régions, leurs finances et leurs travailleurs, sur l’État fédéral, ses finances et ses travailleurs, sur les conditions de travail des personnes à l’emploi, sur les services régionaux de l’emploi et sur l’ensemble des demandeurs d’emplois, qu’ils soient ou non indemnisés. L’État, les régions et les entreprises doivent également prendre leurs responsabilités.

Auteur : Hugues.GHENNE@fgtb.be