Campagne JUST – Pour une transition juste et la justice climatique

Photo de Ioanna Gimnopoulou
photo de Ioanna Gimnopoulou

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Via leur programme commun Travail décent 2022-2026, FOS, l’IFSI et Solsoc organisent une nouvelle campagne dans le cadre mobilisation et du plaidoyer autour de la transition écologique et de la justice sociale. La campagne est basée sur les expériences des partenaires de différents pays, aussi bien par rapport aux conséquences du changement climatique que concernant la gestion de ce changement et la façon de parvenir à une transition profitable aux travailleurs et au climat. 

La réalité du changement climatique

Les effets du changement climatique ne peuvent plus être niés (depuis longtemps déjà). Températures extrêmes, inondations, sécheresses persistantes, incendies dévastateurs… tous ces éléments ont un impact sur la vie et le travail de millions de personnes. 

Ces changements n’interviennent pas par hasard. Depuis des décennies déjà, les scientifiques mettent en garde contre les conséquences du changement climatique et mettent tout en œuvre pour obtenir des mesures pour éviter ces conséquences ou à tout le moins les réduire. Les activistes climatiques de 2019 aussi ont montré la prise de conscience croissante des jeunes autour de cette thématique. Un sentiment d’urgence justifié avait alors poussé des écoliers et étudiants à descendre dans les rues tous les vendredis pendant des mois pour exiger une meilleure politique.

Si les réunions hebdomadaires à grande échelle n’ont pas survécu aux années Covid, l’activisme climatique est, lui, toujours bien vivant. Les protestations prennent souvent d’autres formes et sont illustrées par de nouveaux slogans. Pensons à Code Rouge, un mouvement pour la désobéissance civile qui, dans ses actions de blocage d’entreprises notamment, fait systématiquement le lien entre les travailleurs dans les entreprises/le secteur et les thèmes de la crise climatique. Cette démarche n’a rien d’étonnant. Le lien de cause à effet entre le changement climatique et notre système mondial de production a été démontré à plusieurs reprises. En d’autres termes, les solutions à cette crise climatique sont aussi liées à la façon dont nous organisons et transformons la production. 

Malheureusement, de plus en plus souvent, la production est aux mains des détenteurs de pouvoir pour qui l’urgence de réaliser des bénéfices est bien plus pressante que celle de répondre au besoin d’une transition. Dans certains pays, les climatosceptiques ont clairement la main, dans de nombreux autres pays, les promesses et accords internationaux autour de l’énergie verte et durable sont reportés, voire annulés. Ceci, très souvent au nom des intérêts économiques et avec un discours d’où il ressort clairement que la réalité est sous-estimée. 

Sans combat, pas de victoire

Comme souligné, la réalité est cependant déjà bien tangible pour un important groupe de personnes. Qu’il s’agisse de votre maison emportée par une inondation ou partie en flammes, de l’absence de récoltes, du stress thermique lié aux températures inhumaines auxquelles vous êtes soumis pendant l’exercice de votre travail ou les membres de votre famille qui tombent malades en raison des maladies propagées par les moustiques de plus en plus nombreux avec la surface de l’eau qui ne cesse d’augmenter ; pour de nombreuses personnes, le changement climatique n’est pas une préoccupation lointaine, mais une bien triste réalité. Et ce sont justement aussi ces travailleurs, ces jeunes, ces communautés qui induisent ce changement. Dans la campagne JUST, plusieurs partenaires de l’IFSI, FOS et Solsoc témoignent des mesures qu’ils prennent déjà pour s’adapter au changement climatique, mais aussi pour en limiter l’impact. 

Cela va des agriculteurs qui trouvent des solutions pour que leurs semences survivent aux périodes de sécheresse, qui investissent dans une production biologique ou se battent contre l’utilisation des pesticides nocifs, aux mineurs qui exploitent les matières premières nécessaires pour obtenir une énergie plus verte, qui exigent des emplois décents et l’accès à l’énergie, en passant par les mutualités qui élaborent des stratégies avec leurs membres pour une meilleure collecte d’eau sur la planète et qui luttent ainsi contre les glissements qui sont en train de s’opérer sur terre et contre l’invasion de moustiques, ou encore des militants syndicaux qui veillent à ce que les travailleurs aient leur mot à dire dans la transformation de leur secteur et qui défendent les emplois et la nature…

Autant d’exemples qui témoignent de la volonté de garder une planète viable, maintenant et pour les générations futures. L’engagement de toutes ces personnes montre la voie pour l’avenir et peut aussi en inspirer quant à la façon de s’adapter aux défis à venir. 

Mesures climatiques et sociales : c’est du pareil au même 

L’économie actuelle est évidemment globalisée. La production se joue à grande échelle et les secteurs sont souvent organisés au niveau international. Même si de nombreuses personnes tentent déjà dans leur environnement, sur leur lieu de travail, etc. d’avoir une production la plus écologique possible, une transition écologique ne peut être un succès que si elle est réalisée à grande échelle. 

Avec la campagne JUST, nous souhaitons également mener le débat sur cette question : quel type de transition souhaitons-nous, par exemple, dans le secteur énergétique, dans l’agriculture…? Comment créer une large base d’adhésion ? Qui aura son mot à dire sur le comment, le quoi et le quand…? 

Trop souvent, on avance une opposition tronquée. C’est certainement le cas pour les décideurs politiques qui ont tout à gagner avec le modèle de production actuel. Il s’agit d’opposer le climat au social. Cette fausse opposition est utilisée pour masquer ou justifier l’échec de l’action dans un de ces deux domaines. 

Cette opposition est d’une part reconnaissable dans l’idée que là où on s’attèle à une transition, les droits sociaux, les droits de l’homme et du travail passent (ou restent) au second plan. Les entreprises font du greenwashing, veulent se donner une bonne image et espèrent s’assurer une part du marché avec leur production (plus) verte.

Un de ces exemples sur lequel nous revenons dans la campagne JUST, se retrouve dans le secteur minier en RDC. Les mineurs (travaillant dans l’économie formelle et informelle) sont employés pour exploiter les matières premières nécessaires à une production plus verte… ailleurs dans le monde. Les habitants de la région sont touchés par des conflits, alimentés par les puissances impérialistes qui souhaitent accéder à ces matières premières. Les conditions de travail y sont misérables et au plus l’exploitation est bon marché (lire : plus le taux d’exploitation des travailleurs est grand), au mieux pour les entreprises. A cet égard, soulignons également le contraste entre la grande centrale  hydraulique construite à côté de la mine et la pauvreté énergétique dont souffre la population. Le barrage, construit pour les besoins de la mine, génère de l’énergie qui est presque exclusivement utilisée pour les activités minières. Ainsi, sous le prétexte de la transition écologique, on poursuit et on accentue l’exploitation et la destruction. On est donc en droit de se demander pour qui cette transition est réalisée. 

Revenons à la fausse opposition citée plus haut : on oppose le climat et le social. C’est aussi reconnaissable dans le slogan qui annonce que la transition verte coûtera des emplois, certainement dans les secteurs les plus polluants (avec la logique qu’il est donc préférable de ne pas entamer cette transition). Une transition dans la production implique certes qu’il y aura des changements. Cela ne signifie pas pour autant qu’il est donc préférable de ne pas opérer cette transition, mais qu’il faut apprendre à (sur)vivre avec les changements climatiques. Cela implique néanmoins de se demander pour qui et par qui la transition sera organisée. 

Transition juste, pour et par les travailleurs

C’est en réponse à cette question que le concept de la « transition juste » a vu le jour. C’est la réponse du monde syndical à cette problématique. Le concept est décrit par la CSI comme suit : « Une transition juste assure l’avenir et la subsistance des travailleurs et travailleuses et de leurs communautés lors de la transition vers une économie à faible émission de carbone. Elle repose sur le dialogue social entre les travailleurs et travailleuses et leurs syndicats, les employeurs et le gouvernement et sur la consultation des communautés et de la société civile. Un plan pour une transition juste prévoit et garantit des emplois meilleurs et décents, davantage de possibilités de formation et une plus grande sécurité d’emploi pour tous les travailleurs et travailleuses affectés par les politiques en matière de réchauffement global et de changement climatique ». En d’autres termes, plutôt qu’un récit de type « ou-ou », la transition doit être un récit de type « et - et ». Par et pour les travailleurs. 

Une transition écologique juste ne se limitera pas non plus à éviter les conséquences sociales négatives d’une telle transition (cf. principe DNSH). Au contraire. La transition n’est pas seulement un défi. C’est aussi une belle opportunité de créer de nouveaux emplois verts et décents. Le but de la transition est d’engendrer des effets positifs qui permettront de dépasser le statu quo actuel. C’est ce que défendent, entre autres, les militants syndicaux du secteur pétrolier colombien.

Qui dit production, dit en effet travailleurs. Et ces travailleurs ont un rôle crucial à jouer. Le dialogue social et le travail décent ne sont pas simplement un détail dans une transition juste, ils sont au cœur de cette transition. 

Le matériel de campagne

Avec la campagne JUST, nous souhaitons analyser les expériences de nos partenaires dans la lutte contre le changement climatique et pour le travail décent. Ceci, au moyen du large matériel dont nous disposons. 

  1. Une vidéo « grand public » 

Les vidéos en néerlandais et en français expliquent, en termes généraux, la nécessité d’une transition qui alliera la dimension écologique et sociale.

  1. Une expo interactive 

L’exposition mettra en lumière le combat et les défis de nos partenaires dans leur quête d’une transition qui conciliera écologie et justice sociale. Le public prend connaissance de ce combat via différents témoignages., mais aussi plusieurs cas pratiques venant de communautés, syndicats et associations qui entreprennent des actions collectives en Afrique et en Amérique latine et qui mettent en œuvre, autour du thème de la transition, des initiatives innovantes liées au dialogue social, à l’accès aux soins de santé, à l’alimentation saine et à la défense des droits du travail et de la protection sociale 

Il s’agira d’une exposition itinérante en Belgique et nous espérons pouvoir la montrer également en collaboration avec différentes organisations de façon à toucher un public le plus large possible. Le vernissage aura lieu le 27 mars 2025, à 18h30 au Palazzo à St-Gilles. Plus d’informations sur l’exposition.

  1. Articles et analyses 

Au fil de l’année 2025, nous publierons différents articles qui approfondiront un ou plusieurs cas pratiques en mettant l’accent sur deux grands secteurs qui ont un impact indéniable sur le climat, qui sont source d’importantes inégalités et où une transition doit être entamée au plus vite : le secteur énergétique et le secteur alimentaire. Nous avons également décidé de nous concentrer sur deux piliers du travail décent essentiels pour une transition juste : le dialogue social et la protection sociale.

Le thème de la campagne est crucial parce qu’il combine les considérations environnementales et sociales et apporte ainsi une réponse à de nombreuses questions et doutes qui vivent actuellement auprès de nombreuses personnes. Plusieurs syndicats et associations travaillent déjà autour de ces thèmes et sont convaincus qu’un avenir durable commence par un monde juste. Avec cette campagne, nous souhaitons porter ces récits et accroitre la prise de conscience de notre réalité, des initiatives et du combat politique des partenaires de l’IFSI, Solsoc et de FOS dans différents pays. Nous espérons que ces récits et témoignages pourront aussi inspirer et avoir un effet mobilisateur chez nous autour de la nécessité d’une transition écologique tenant compte de la justice sociale et de la solidarité internationale. Nous souhaitons que tout le monde soit à bord, avant nous ne soyons tous noyés.

Autrice : elise.craeghs@ifsi-isvi.be