Business… as usual !

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Dans leurs prévisions de printemps, la Banque nationale et le Bureau du Plan démontrent que le gouvernement De Wever ne tient pas sa principale promesse, à savoir garantir une politique budgétaire saine. L’Etat passe à côté de milliards parce que le gouvernement ménage les entreprises tandis qu’il ne fait qu'économiser sur la sécurité sociale.

Les organisations patronales et les commentateurs de droite se bousculent presque pour exiger des économies supplémentaires. Sinon, nous ne ferons (r)attraper par les «  cavaliers de l'Apocalypse », à savoir les agences de notation et les marchés financiers. Et pourtant, de façon assez ironique, le nœud du problème par rapport à une politique budgétaire saine réside partiellement dans le fait que le monde des entreprises reste - comme toujours - totalement épargné. 

La situation budgétaire de la Belgique a été mise en lumière juste avant le week-end dans les prévisions de printemps de la Banque nationale de Belgique (BNB). Les analyses qui ont suivi étaient presque unanimes : les perspectives sont catastrophiques en raison des coûts de vieillissement et des charges d'intérêt « insoutenables ». Ce qui était passé sous silence dans ces analyses est pourtant écrit noir sur blanc dans le rapport de la BNB : la diminution des recettes publiques.

Tout décideur politique responsable, surtout en période de tensions budgétaires, examine les deux côtés de la balance : les dépenses et les recettes. A cet égard, il est intéressant de noter que les chiffres de la BNB indiquent qu'entre 2024 et 2027, les recettes de l’Etat fédéral diminueront de près de 1 % du PIB. Le Trésor public passe à côté d’un montant important de recettes. La perte de recettes dépasse les économies réalisées au niveau des dépenses primaires.

L'effet budgétaire de toutes les interventions dans la sécurité sociale (pensions, allocations de chômage, maladie...) et des économies dans l’appareil public est donc tout simplement effacé par la perte de recettes de l’Etat fédéral. Cette perte de recettes est même deux fois plus importante : 0,8 % du PIB contre une baisse des dépenses primaires de 0,4 % du PIB à l'horizon 2027. Même ceux qui prétendent aujourd'hui gérer le budget de l'État en bon père de famille ne parviendront pas à l'expliquer à leurs enfants.

Un cadeau extrêmement coûteux

Notons que les recettes ne diminuent pas de façon uniforme d’ici 2027. Les tableaux de la BNB montrent que la situation est principalement attribuable à la réduction des cotisations sociales des entreprises. Le gouvernement a en effet décidé de verser une « enveloppe de compétitivité » supplémentaire. Celle-ci coûtera déjà plus d'un milliard d'euros aux caisses de l’Etat au cours des trois prochaines années.

Il est également douloureux de constater que les recettes provenant des impôts directs des ménages augmenteront au cours des trois prochaines années. Malgré la promesse d'une réforme fiscale avantageuse pour les ménages, vous vous souvenez ? Quant au fait que le gouvernement perd près de 17 milliards d'euros de recettes par an en raison de régimes salariaux fiscaux et parafiscaux favorables aux employeurs, il ne sera probablement jamais souligné dans les analyses budgétaires.

Des pensions ou des tanks 

Ce qui n’aide pas non plus notre situation budgétaire, ce sont les montants démentiels alloués pour la Défense. Et pourtant, ceci est entretemps considéré comme un fait accompli. Des spécialistes en tout genre nous ont toujours dit que le choix difficile entre les dépenses sociales, d'une part, et les dépenses de défense, d'autre part, (« des pensions ou des tanks ») ne devrait jamais être fait. N’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens de financer la Défense ? 

A ce sujet également, le tableau dressé par la Banque nationale est édifiant : les économies réalisées dans les pensions et les dépenses de chômage correspondent presque exactement aux moyens supplémentaires trouvés pour la Défense entre aujourd'hui et 2027. Il est impossible de déterminer si ces budgets sont directement affectés à la Défense, mais parler de coïncidence, relèverait de la naïveté.

Les citoyens belges méritent une meilleure politique budgétaire. Le gouvernement prétend « remettre de l’ordre », mais il ment à la population : une marge budgétaire – limitée – est trouvée  du côté des personnes socialement vulnérables, mais le budget est hypothéqué à long terme en promettant des budgets illimités aux entreprises et à la Défense.

Ou faut-il voir une stratégie cachée derrière une politique qui laisse tomber des recettes publiques logiques ? Dans tous les cas, la politique budgétaire signifie qu’en vue des prochaines élections, Bart De Wever (N-VA) pourra, même en tant que Premier ministre sortant, resservir le même plat : « La Belgique ne fonctionne pas ».

Auteur: lars.vandekeybus@abvv.be