Avis - Lutte contre la pauvreté

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Le 19 février, le CNT et le CCE ont publié un avis commun sur le rapport bisannuel du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale intitulé « La dimension financière de la pauvreté. Contribution au débat et à l’action politiques ».
Ce rapport détaillé portait sur six thèmes :
- revenus,
- coût de la vie en hausse,
- droit à un soutien financier supplémentaire,
- surendettement,
- impact financier de la digitalisation des services et de la monnaie,
- accès effectif aux droits.
Pour chacun de ces thèmes, les experts du Service ont formulé, en concertation avec des experts du vécu, des recommandations politiques concrètes de grande qualité, que la FGTB peut largement soutenir. Malheureusement, malgré nos propositions, les organisations patronales se sont montrées peu disposées à réfléchir sérieusement à ces recommandations politiques. Même les suggestions les plus innocentes se sont heurtées à un refus catégorique du banc patronal, uniquement disposé à reprendre le texte des avis existants. La FGTB regrette profondément cette position.
Revenus
Dans le volet sur les revenus, le Service insiste notamment sur le renforcement des CPAS, en leur fournissant le personnel et les ressources nécessaires pour garantir de manière rapide et efficace un revenu digne aux demandeurs d'aide. Il appelle à financer de manière structurelle l’aide supplémentaire qui peut être accordée par les CPAS avec des fonds fédéraux, afin qu'ils ne doivent pas la payer uniquement avec leurs propres ressources.
Il demande également d’augmenter les revenus minimums (le salaire net minimum, les revenus de remplacement et les allocations sociales) de sorte qu'ils atteignent au moins le niveau du seuil de risque de pauvreté, comme l'a recommandé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies dans ses observations finales sur le cinquième examen périodique de la Belgique.
Le Service demande également explicitement de garantir la liaison au bien-être des revenus minimums par le biais de l'enveloppe de bien-être, afin que chacun puisse supporter le coût (croissant) de la vie.
L’avis des interlocuteurs sociaux rappelle également différentes occasions dans le cadre desquelles les interlocuteurs sociaux se sont prononcés sur les objectifs de lutte contre la pauvreté, à savoir l’Agenda 2030 des nations Unies et le Pilier Européen des Droits Sociaux.
L’avis rappelle également les engagements par rapport aux objectifs de développement durable (ODD). La FGTB a réussi à maintenir que ces indicateurs peuvent servir à identifier le retard accumulé par la Belgique dans la poursuite de ces objectifs. Les organisations patronales souhaitaient en effet ajouter qu'il était question d’un « possible » retard, alors que les évaluations indiquent clairement un retard sur de nombreux indicateurs. Selon la dernière évaluation du Bureau fédéral du plan, l'évaluation est défavorable ou indéterminée pour 35 des 51 indicateurs. Pour ces indicateurs, des efforts supplémentaires seront nécessaires pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies.
Un coût de la vie en hausse
Le Service a formulé plusieurs recommandations pour protéger le pouvoir d’achat pour les produits et services de base et garantir la payabilité de l’énergie et des habitations à faible consommation énergétique.
L’avis des interlocuteurs sociaux fait également largement référence au rapport Emploi-Compétitivité de 2023 dans lequel les causes et conséquences de l’inflation avaient été examinées à la loupe. Comme le Rapport 2023 y faisait largement référence, il a été impossible d’éviter d’évoquer une étude de Capeau sur l'impact combiné de l'inflation et des mesures prises pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie, où il est entre autres question de la surcompensation de certains groupes. Sans manquer de respect aux acquis du rapport de 2023, les syndicats ont toutefois ajouté qu’il convenait de souligner que les mesures du gouvernement ont été prises en compte dans le calcul de l’indice des prix à la consommation, ce qui a eu pour effet de modérer la hausse des prix de l’indice et donc de réduire la surconsommation (davantage encore pour les ménages les plus aisés).
En ce qui concerne le marché du logement, les syndicats ont obtenu l’insertion d’un paragraphe important qui indique que selon la Fondation Roi Baudoin, le risque de précarité énergétique chez les locataires (34,9%) est 2,5 fois supérieur au risque encouru par les propriétaires (14,5%). Malgré la moins bonne qualité moyenne des logements locatifs et les barrières spécifiques auxquelles le secteur est confronté, les budgets et aides des pouvoirs publics (dont les subsides en matière de rénovation énergétique) sont proportionnellement davantage dirigés vers les propriétaires occupants et très peu vers le marché locatif. Il est donc essentiel que tous les ménages, y compris les plus modestes et les locataires, puissent accéder à un logement énergétique performant.
Droit à un soutien financier supplémentaire
Le Service souligne le droit à un soutien financier supplémentaire pour toutes les personnes qui ont un faible revenu pour une participation à part entière de tous à la société. Vu l’absence d’acquis sur ce point, le chapitre n’a pas été abordé dans l’avis.
Impact financier de la digitalisation des services et de l’argent
Le Service attire l’attention sur l’accessibilité numérique des services publics. Il s’agit d’une des possibilité d’entrer en contact avec les services publics en conservant, outre la voie numérique, les autres formes d’accès comme canaux de contact à part entière. Il souhaite également renforcer l’accès à internet et aux services financiers.
L’inclusion numérique est également une question d’importance pour les interlocuteurs sociaux, dans la mesure où l’exclusion numérique et la fracture numérique constituent encore et toujours un réel problème dans certains groupes de la population, l’accès aux TIC n’étant pas identique dans tous les groupes.
Un accès effectif aux droits
Le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale signale notamment que l’octroi automatique de droits offre de nombreuses possibilités pour lutter contre le non-accès et le non-recours aux droits. En effet, les droits sont accordés par un service ou une institution habilitée, sans que le titulaire du droit n'ait à prendre d'initiative. Il recommande dès lors d’appliquer au maximum les différentes possibilités d’octroi automatique des droits.
Les interlocuteurs sociaux renvoient de nouveau à différents avis dans lesquels ils soulignent notamment qu’ils souhaitent faire de la simplification administrative une priorité afin d’offrir davantage de garanties en matière d’accessibilité et d’effectivité des services. Le Conseil National du Travail a également indiqué que la numérisation pouvait contribuer à l’automatisation des droits sociaux et à éradiquer le phénomène de non-recours aux droits.
Gouvernement De Wever-Bouchez
Il ne fait par ailleurs aucun doute que la politique du gouvernement De Wever-Bouchez va diamétralement à l’encontre du rapport du Service, avec notamment la suppression de l’enveloppe bien-être alors que le rapport bisannuel insiste fortement sur le fait que les allocations minimales se trouvent, dans quasi toutes les situations de ménage, sous le seuil du risque de pauvreté et demande explicitement d’augmenter les revenus minimums. Le Service demande de ne pas sanctionner les cohabitants, mais l’Accord de coalition renforce encore la notion de ménage pour les allocations d’aide sociale. Selon le Service, il est possible de lutter contre le non-recours aux droits en prévoyant l’octroi automatique des droits, moyennant le maintien de procédures parallèles non-automatiques et suffisamment de possibilités pour des contacts humains, un accès à des guichets et un accompagnement.
Dans l’Accord de coalition, les efforts pour lutter contre le non-recours aux droits se limitent toutefois à un engagement en faveur de l’éducation financière et numérique. Le Service souligne que les raisons du non-recours aux droits ne se situent souvent pas du côté des bénéficiaires eux-mêmes, mais sont surtout à chercher du côté des réglementations et de leur application. C’est pourquoi le Service parle de non-accès et de non-recours aux droits. On ne retrouve pas de référence à une telle terminologie dans l’Accord de coalition et elle n’était pas non plus discutable pour les organisations patronales.
Auteur: niels.morsink@abvv.be