Le 9 juin, on vote. Et on vote à gauche

06 juin 2024
Actualité

À quelques heures des élections, un collectif composé de responsables d’organisations progressistes, de citoyen·nes, d’activistes et de militant·es issu·es de la société civile appelle les électeur·rices francophones au sursaut. Alors que les crises se multiplient, les derniers sondages prédisent une quasi-majorité pour les nationalistes flamands au nord du pays, un MR premier parti en Belgique francophone [1], et donc un potentiel retour au pouvoir de la droite au niveau régional, communautaire et fédéral. Dans ce contexte, un vote à gauche semble plus que jamais nécessaire. Pour faire face aux grands enjeux d’aujourd’hui et de demain, et pour empêcher les forces conservatrices de mener une nouvelle politique de casse sociale, écologique et migratoire.

 

Le 9 juin prochain, on vote. À quelques jours du scrutin, près d’un·e citoyen·ne sur cinq est encore indécis·e sur son choix, et une part significative de l’électorat n’ira tout simplement pas voter ce dimanche. Pourtant, les enjeux sont énormes : crise sociale, changement climatique et effondrement de la biodiversité, secteur agricole en souffrance, crise de l’accueil et de l’asile, remise en cause des droits des minorités, massacre en cours à Gaza et situation humanitaire extrêmement compliquée en Ukraine. Autant de crises qui ne peuvent être surmontées sans une action politique forte et juste. Et c’est précisément la raison pour laquelle nous décidons de prendre la parole aujourd’hui. Le MR, avec son programme social et politique désastreux, est aux portes du pouvoir. La séquence de ce week-end sur le plateau de RTL-TVI, impliquant le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Pierre-Yves Jeholet, doit nous interpeller sur le rôle du MR dans la libération de la parole raciste en Belgique.  

 

Nous devons toutes et tous nous mobiliser, parce que le MR nous a déjà montré ce dont il était capable. C’était entre 2014 et 2018, sous le « Gouvernement MR/N-VA », rebaptisé la « Coalition suédoise ». Une coalition qui a mené une politique de casse sociale extrêmement dure : un saut d’index, une baisse du taux des cotisations sociales et un durcissement de la loi de 1996.  Dans le secteur de la santé, c’est 3 milliards d’euros d’économies effectuées, des prestations moins remboursées et des cadeaux offerts à l’industrie pharmaceutique. Après une pandémie mondiale que nous avons collectivement traversée, le MR souhaite aujourd'hui effectuer plus de 5 milliards d’économies dans la santé, et s’est prononcé pour le retour de l’austérité européenne, qui contraint la Belgique à réaliser plus de 30 milliards d’économies à l’horizon 2028. Irresponsable. Pour le MR, seule la compétitivité des entreprises compte. Il n’hésitera donc pas à effectuer un nouveau saut d’index et à geler les salaires. Tout cela aura un impact direct sur le pouvoir d’achat des travailleur·euses, ainsi que sur le financement de notre Sécurité sociale. 

 

Mais le Gouvernement MR/N-VA, c’était aussi un immobilisme climatique et écologique flagrant, qui n’a offert, en réponse aux mobilisations massives de la jeunesse lors des “marches pour le climat” de 2018 et 2019, que (1) des coachs climat dans les écoles, (2) un rejet de sa responsabilité sur la Flandre et (3) des coupes dans le budget de la SNCB (estimées à 3 milliards d’euros). Certes, la situation s’est peu améliorée ces cinq dernières années, mais un retour de la droite au pouvoir nous laisse présager le pire. Ces derniers mois, au niveau européen, la droite libérale et la droite conservatrice se sont en effet alliées à l’extrême droite afin de détricoter les mesures du Green Deal, et, donc, afin de remettre en cause les quelques avancées que nous avons réussi à obtenir en matière écologique durant cette législature. C’est dans ce contexte que la loi sur la restauration de la nature a failli être torpillée. Finalement, ce texte, crucial, visant à “restaurer 20% des terres et des mers de l’Union européenne d’ici 2030, l’ensemble des écosystèmes ayant besoin d’être restauré d’ici 2050", a été adopté. Mais le MR, une fois de plus, a brillé par son conservatisme, en forçant son eurodéputée à s’abstenir lors du vote en commission (et puis lors du vote en plénière), alors qu’elle était favorable au texte. 

 

Mais le MR n’est pas seulement le parti de l’inaction écologique. Il est aussi le parti qui tolère les propos transphobes et discriminants envers les personnes LGTBQIA+. On se souviendra, à ce titre, des tweets de son président, Georges-Louis Bouchez. En décembre 2022, celui-ci avait par exemple nié la différence entre identité de genre et sexe biologique, s’opposant ainsi clairement au consensus établi au sein des sciences sociales à ce sujet. Il y a quelques jours, nous découvrions par ailleurs une story Instagram de Dimitri Delecaut, conseiller MR de l’action sociale à Namur. Dans cette story, M. Delecaut indiquait que nous devrions revenir à “l’essentiel à l’école : maîtriser l’ABCD avant d’explorer le LGBT”, reprenant ainsi explicitement une réplique formulée, en septembre 2023, par Eric Zemmour, le polémiste français d’extrême droite, multicondamné pour incitation à la haine raciale. Ces propos scandaleux de M. Delecaut ne furent condamnés par AUCUN cadre du MR… Cette tolérance et cette absence de réaction, au sein du MR, face aux propos LGTBQIA+phobes, laissent à penser que le parti, une fois au pouvoir, mènerait une politique rétrograde pour toutes les personnes discriminées en raison de leur genre et/ou de leur orientation sexuelle.

 

Enfin, il nous faut le rappeler : notre pays connaît une grave crise de l’accueil.  Même si le gouvernement actuel n’a pas du tout été à la hauteur sur ce sujet, avec le Gouvernement MR/N-VA de 2014 à 2018, plus de 10 000 places d’accueil ont été supprimées. Palliant les lacunes de l'État, la solidarité des citoyen·es accueillant·es a été criminalisée, notamment en prévoyant des perquisitions (dites « visites domiciliaires »), ce qui constituait alors une violation disproportionnée du droit au respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile. De l’enfermement des enfants au durcissement du droit d’asile, le Gouvernement MR/N-VA s’est illustré par une politique d’accueil inhumaine et de repli sur soi, contraire aux conventions internationales. Et cette politique continue d’avoir des effets aujourd’hui : la suppression des places d’accueil entre 2014 et 2018, non résolue par les secrétaires d’État CD&V de la Vivaldi, explique pourquoi, depuis 2021, la Belgique a été condamnée plus de 8 800 fois par les cours et les tribunaux belges pour ne pas avoir respecté les dispositions du droit international qui l’obligent à fournir un hébergement adéquat aux demandeur·euses d’asiles.

 

Notre mission, en tant que responsables d’organisations progressistes, citoyen·nes, activistes et militant·es, est aussi d’alerter sur les conséquences des politiques publiques menées par les différentes formations politiques. Nous avons analysé finement le programme politique du Mouvement réformateur et nous sommes interloqué·es par le nombre et la virulence des attaques de ce parti contre les droits des travailleur·euses, contre les corps intermédiaires et contre notre modèle social.  Il faut donc à tout prix éviter que ce programme ne devienne celui des prochains gouvernements. Pour ce faire, nous appelons chaque électeur·rice francophone à se mobiliser le 9 juin, et à exprimer un vote clair pour les partis de gauche, c’est-à-dire les partis qui ont la redistribution des richesses, la lutte contre la crise écologique, l’intolérance face aux discriminations de tout type et le respect de l’État de droit et de la cohésion sociale, au cœur de leur projet politique. 

 

Signez la carte blanche

 

[1] Nous nous référons ici au dernier Grand Baromètre Ipsos-Le Soir-RTL Info-Het Laatste Nieuws-VTM, et aux projections réalisées par le politologue Pascal Delwit (ULB), sur la base de ce sondage. Dans l’une de ces projections (c’est-à-dire celle qui porte sur la Chambre), Pascal Delwit indique en effet que le MR obtiendrait 18 sièges, ce qui le positionnerait devant le PS (16 sièges).

Un sondage plus récent, réalisé par l’institut Cluster17, placerait quant à lui le MR sur la deuxième place (avec 17 sièges), derrière le PS (18 sièges), toujours selon les projections de Pascal Delwit. Nous avons fait le choix de continuer à nous appuyer sur le sondage d’IPSOS, car les sondages réalisés par Cluster17 sont régulièrement critiqués (et à raison) en France, pour leur approche méthodologique (voir par exemple cet article).

 

*Premier·ères signataires :

Thierry Bodson, président de la FGTB

Jean-Pascal Labille, secrétaire général de Solidaris

Adélaïde Charlier, activiste pour la justice sociale et climatique

Felipe Van Keirsbilck, secrétaire général de la CNE (CSC)

Chloé Mikolajczak, activiste pour la justice sociale et climatique

Laurie Pazienza, activiste pour la justice sociale et climatique

Louis Droussin, activiste pour la justice sociale et climatique

Lucie Morauw, activiste pour la justice sociale et climatique

Maïté Meeûs, activiste féministe

Vinz Kanté, vulgarisateur scientifique sur les limites planétaires

Victoriæ Defraigne, activiste pour la visibilité et les droits des personnes transgenres

Dan Gagnon, humoriste

Bettina Zourli, activiste féministe

Et beaucoup d'autres...