Le piège à l’emploi : fausse information ?

07 juin 2024
Actualité

Au cours de la campagne électorale, les libéraux et la droite ont lancé une attaque contre les allocations sociales. Ils prétendent lutter contre le « piège à l’emploi ». Selon eux, pour certains demandeurs d'emploi, il n'est pas financièrement rentable de reprendre le travail. Ils préconisent une différence d'au moins 500 euros nets entre « travail » et « inactivité ». Or, si on prend la peine de regarder les chiffres, on voit qu’en réalité c'est déjà le cas.

 

Seuil de pauvreté

« En fait, nous ne devrions pas mesurer les allocations par rapport aux salaires, mais par rapport au seuil de pauvreté », souligne Raf De Weerdt (secrétaire fédéral de la FGTB, spécialiste de la sécurité sociale).

 

Notre sécurité sociale est un instrument qui empêche les travailleurs qui n’ont plus d’emploi de tomber dans la pauvreté et qui leur permet de maintenir (partiellement) le niveau de vie qu'ils avaient quand ils travaillaient. Le droit à ces allocations est assorti de certaines obligations auxquelles nous sommes tous d’accord, comme la volonté de rechercher un emploi. Le montant que doit atteindre l’allocation de chômage ne doit donc pas être évalué en fonction du salaire potentiellement trop limité que l'on pourrait obtenir, mais plutôt en fonction du montant qui permet à une personne de mener une existence digne. Le critère utilisé pour mesurer « la dignité de l’existence » est appelé « le seuil de pauvreté ». Et qu’observe-t-on ? C’est que les allocations sociales en Belgique se situent bien en deçà de ce seuil !

 

Les chiffres

Le service d'études de la FGTB a fait le test et a comparé les allocations de chômage au seuil de pauvreté et au salaire minimum.

La différence entre une allocation de chômage nette et un salaire minimum net est de 545 € pour un isolé (624 € si l’on prend le pécule de vacances en considération). Grâce à la FGTB, le salaire minimum net a augmenté de 50 € au 1er avril, ce qui signifie que la « promesse électorale » des libéraux et de la N-VA est entretemps déjà réalisée. Promettre quelque-chose qui existe déjà, voilà qui n’est pas banal !

Pour les cohabitants, qui représentent la catégorie la plus importante dans le chômage, la différence entre le « travail » et « l’inactivité » atteint facilement plus de 1.000 € nets par mois. Pour les chefs de ménage (notamment les parents isolés), la différence est nettement plus petite. Dans le chômage, les minima dépendent donc de la situation familiale. Conclusion : l’idée d’un « piège à l’emploi » est largement exagérée ! Certainement quand on sait que la plupart des secteurs connaissent un salaire minimum plus élevé que le RMMMG (revenu mensuel moyen minimum garanti) et prévoient, en plus du pécule de vacances, également une prime de fin d’année.

Vue d'ensemble

Montants mai 2024, tous en euros, salaire minimum brut 2 070 euros, seuil de pauvreté personne seule 1 509 euros.

  Allocation nette ∆ taux de pauvreté (avec alloc. Fam)) Salaire
minimum net
∆ travail
(sur base
mensuelle)
∆ travail + pécule de vacances
Chômage isolé € 1.409 -€ 99 € 1.955 € 545 € 624
Chômage chef
de ménage
(parent isolé
 de 2 enfants)
€ 1.739 -€ 180 € 2.065 € 326 € 425
Chômage
cohabitant
(M1-3)
€ 1.220 - € 1.953 € 733 € 674
Chômage
cohabitant
(M13-24)
€ 933 - € 1.953 € 1.019 € 993
Incapacité
de travail –
travailleur régulier
isolé (à.p.d. M7)
€ 1.606 € 97 € 1.955 € 349 € 427
Incapacité
de travail -
travailleur irrégulier
isolé (à.p.d. M7)
€ 1.288 -€ 220 € 1.955 € 666 € 745
Revenu
d’intégration
isolé
€ 1.288 -€ 220 € 1.955 € 666 € 745
Revenu
d’intégration
chef de ménage
(parent isolé
avec 2 enfants)
€ 1.741 -€ 178 € 2.065 € 324 € 423
Revenu
d’intégration
cohabitant
€ 859 - € 1.953 € 1.094 € 1.172

Les vraies barrières

Pour donner plus d'opportunités d'emploi aux demandeurs d'emploi, il faut donc s'attaquer aux véritables barrières, comme les conditions de travail inadéquates et les salaires trop bas, le manque de services de garde d'enfants abordables, d’une aide complémentaire trop sélective liée à certains statuts, des coûts liés aux déplacements domicile-lieu de travail ou du quotient conjugal de notre fiscalité. L’image est aussi plus nuancée en cas de reprise du travail à temps partiel.

C’est pourquoi, la FGTB demande une réforme de l’allocation de garantie de revenu (AGR) qui permettrait à un demandeur d’emploi de conserver (une partie de) son allocation après avoir accepté une offre d’emploi à temps partiel.

 

Des allocations et des salaires décents

La FGTB se bat pour des salaires décents et augmentés ET pour des allocations sociales dignes. Neuf allocations sociales minimales sur dix sont encore inférieures au seuil de pauvreté. Or pour la FGTB, les allocations sociales ne doivent pas seulement constituer une assurance contre la perte de revenus en cas de maladie, de chômage, de vieillesse... (après tout, les travailleurs y ont contribué eux-mêmes), mais doivent également protéger contre la pauvreté.

 

En outre les bas et moyens salaires doivent augmenter. Pour que le travail soit plus payant, la FGTB demande donc une augmentation du salaire minimum brut à 17 euros de l'heure ou 2.800 euros bruts par mois. Il est également urgent d'offrir aux travailleurs à temps partiel davantage de possibilités de faire des heures supplémentaires ou de travailler à temps plein.

 

Nous proposons également que les avantages sociaux, tels que le tarif social de l'énergie et l'augmentation de l'allocation de soins de santé, ne soient plus liés au statut social, mais qu'ils soient progressivement supprimés au fur et à mesure de l'augmentation des revenus.

 

En résumé

  • Il est démontré que la réduction ou la diminution des allocations de chômage n'aide pas les gens à trouver un emploi. Toutes les études le confirment.
  • Avoir un emploi n'apporte pas seulement un revenu, mais aussi une régularité dans la vie, des contacts sociaux, un épanouissement, une valorisation.
  • Le nombre de chômeurs complets indemnisés diminue chaque année.
  • Le chômage représente à peine 3 % de l'ensemble des dépenses du gouvernement fédéral.
  • Le fait de bénéficier d'allocations permet également d'assurer un suivi et un soutien permanents. Sans soutien, les chances de retrouver un emploi sont souvent réduites à néant.
  • Il ne suffit pas de recevoir des allocations de chômage : il faut avoir travaillé pour les obtenir et avoir été licencié pour des raisons indépendantes de sa volonté. Nos allocations de chômage sont une assurance à laquelle tous les travailleurs cotisent. Ils se protègent ainsi eux-mêmes et protègent les autres.