Europe : l’élection oubliée

24 avril 2019
Actualité

L’incroyable complexité des institutions qui retarde ou paralyse les décisions nous donne cette impression que l’Europe n’en fait qu’à sa tête et confisque la démocratie. Pas étonnant que les citoyens se désintéressent de l’Europe, s’en détournent, ou la rejettent. Le scrutin européen est pourtant important. L’orientation néolibérale de l’Europe n’est pas une fatalité ! 

L’Europe n’est pas sans reproches. La liste est longue… Les politiques d’austérité imposées au nom de la stabilité monétaire mais surtout d’une doctrine néolibérale rigide, la pression pour la flexibilisation du marché du travail, l’inaction face à la désindustrialisation et l’incapacité à relancer l’économie et l’emploi en appliquant les recettes libérales. Le rôle prédominant des lobbies industriels et financiers qui affaiblissent les législations protégeant les  consommateurs et les travailleurs. La faiblesse de la politique climatique malgré les objectifs ambitieux, l’incroyable complexité des institutions qui retarde ou paralyse les décisions, le dumping social et la compétition fiscale qui en découlent, et en résumé, cette impression que quoi qu’on veuille, dise ou fasse, l’Europe n’en fait qu’à sa tête et confisque quelque part la démocratie.

Pas étonnant que les citoyens se désintéressent de l’Europe, s’en détournent, ou la rejettent. Qu’ils se tournent vers les nationalistes, souverainistes et autres populistes qui leur font croire qu’on s’en sortira mieux seuls, chacun pour soi.

On a pourtant besoin de l’Europe

On a pourtant besoin de l’Europe. Le chacun pour soi, le repli national voire régional ne peuvent mener à rien de bon si ce n’est une concurrence fiscale accrue, et une concurrence entre les travailleurs qui affaiblit la protection sociale et les salaires, l’abandon des régions les moins riches et des gens qui y vivent, une grande faiblesse économique dans un monde globalisé, l’incapacité de jouer un rôle politique au niveau mondial malgré le fait que l’UE est la première puissance économique mondiale.

On a besoin de plus d’Europe

Tout ce que l’on peut reprocher à l’Europe, découle de l’orientation néolibérale qu’on lui a imprimée mais aussi de sa faiblesse et de son caractère inachevé en tant qu’Etat supranational pour cantonner son rôle à un simple grand marché ouvert à toutes les concurrences.

Les solutions ne résident donc pas dans moins d’Europe mais dans plus d’Europe. C’est le niveau le plus pertinent pour imposer un socle social et lutter contre le dumping social intra et extra-européen, pour imposer une harmonisation fiscale qui réduira l’évasion fiscale, pour mener une politique économique et industrielle proactive, pour créer des emplois et protéger ceux qui existent, pour mener une politique climatique à la hauteur des enjeux et des attentes des citoyens, pour lutter contre le dumping environnemental, pour mener une politique migratoire solidaire.  

Autant de raisons de voter pour les partis qui croient en l’Europe et veulent l’améliorer en la forçant à changer de politique économique et sociale.

Qu’attendons-nous de l’Europe ?

Avec la Confédération européenne des syndicats (CES) et ses 45 millions de travailleurs affiliés à 90 syndicats dans 38 pays, nous avons la conviction qu’une Europe plus juste est possible pour les travailleurs et travailleuses, une Europe basée sur la démocratie et la justice sociale, des emplois de qualité et des salaires plus élevés ainsi que des transitions socialement justes et équitables vers une économie numérique à bas-carbone. Ceci devra constituer la base d’un nouveau contrat social pour l’Europe. Le changement est possible.

Renforcer la démocratie des institutions et mettre fin à la mainmise des lobbies des multinationales et des grandes banques

La démocratie doit aller plus loin que le vote et aller de pair avec une véritable implication des citoyens dans les décisions politiques.  La participation démocratique repose aussi sur le dialogue social sur  le lieu de travail. Le droit des sociétés n’implique pas que les droits sociaux, les droits des travailleurs et des syndicats soient bafoués.

Mener une politique de relance économique et d’emploi basée sur la demande au lieu de l’austérité

Il est inacceptable que les bénéfices et la productivité ne soient pas redistribués aux travailleurs qui les ont générés.L’Europe a besoin d’une nouvelle politique économique progressiste et durable, juste et plus sociale pour stimuler la croissance qui bénéficiera à tous, non à quelques-uns seulement, relancer les investissements publics et privés, créer des outils pour protéger les travailleurs et travailleuses des crises et chocs économiques.

Pour restaurer l’adhésion au projet européen, l’Europe doit s’atteler à la création d’emplois de qualité avec des salaires plus élevés pour réduire les écarts salariaux et stimuler croissance et compétitivité durables. Une meilleure distribution de la richesse et une convergence des salaires à la hausse permettra de réduire les inégalités sociales..

Mettre fin à la concurrence sociale et fiscale et aux inégalités

Une mobilité juste doit être garantie à tous les travailleurs et travailleuses de l’UE et de pays tiers, et la lutte contre le dumping social doit être une priorité.

Une fiscalité plus équitable et plus progressive est nécessaire pour réduire les inégalités, financer les services publics et la protection sociale et s’attaquer aux problèmes sociaux causés par la mondialisation, la décarbonisation et la digitalisation. Une fiscalité efficace doit prévenir l’évasion et la fraude fiscales et veiller à une imposition adéquate et égale des sociétés.

Replacer le facteur humain au centre des politiques (économie, emploi, social, migration, climat)

L’UE doit reconstruire son modèle social, en mettant pleinement en œuvre le socle européen des droits sociaux aux niveaux national et européen. L’accès à des systèmes de protection sociale adéquats, à des pensions correctes, aux logements et aux services sociaux doit être garanti pour tous, sur base égale en termes de contributions et de bénéfices.

La migration doit être gérée de façon à protéger les droits humains, que toutes les personnes bénéficient d’un traitement égal, au travail et dans la société.

Transitions justes

Les transitions parallèles vers une économie bas-carbone et numérique auront des répercussions sur l’emploi. Elles doivent être gérées de façon à ce que personne ne reste sur la touche. Nous avons besoin d’une nouvelle politique industrielle européenne pour créer de nouveaux emplois et de nouvelles opportunités et pour garantir que la compétitivité de l’UE. Les travailleurs et travailleuses doivent avoir leur mot à dire sur la façon de gérer ces transitions.